Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/221

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voir quelle était la cause de ces cris simultanés, il l’entraîna rapidement, et au même instant un bruit semblable à celui du tonnerre annonça la chute d’un des plus grands pins de la forêt, qui venait de tomber à quelques pas derrière eux.

M. Temple se retourna sur-le-champ, pour s’assurer si ceux qui le suivaient étaient en sûreté ; et il vit de l’autre côté de l’arbre Edwards retenant de la main gauche la bride de son cheval, tandis que de la droite il tirait si fortement les rênes de celui de miss Grant, que la tête de l’animal était courbée sur son poitrail. L’arbre était tombé à environ six pieds devant eux. Les deux animaux tremblaient frappés de terreur, et Louise, penchée en arrière sur sa selle, et les mains appuyées sur son visage, semblait l’image du désespoir et de la résignation.

— N’êtes-vous pas blessé ? s’écria Marmaduke.

— Non, grâce au ciel, répondit Edwards. Si l’arbre avait eu des branches, nous étions perdus, et…

Il s’interrompit en voyant miss Grant chanceler sur son cheval, et elle serait tombée s’il ne l’eût soutenue dans ses bras. On mit pied à terre, on la plaça sur l’arbre qui avait causé cette terreur, et les soins d’Élisabeth lui ayant bientôt rendu la connaissance, elle se remit en selle ; placée entre M. Temple et Edwards, elle se trouva en état de continuer la route.

— Ces chutes d’arbres si subites, dit Marmaduke, sont l’accident le plus dangereux qui puisse arriver dans nos forêts, car elles ne sont occasionnées ni par le vent, ni par aucune cause visible contre laquelle on puisse se mettre en garde.

— La cause de leur chute est évidente, cousin ’Duke, dit le shérif. Un arbre arrive à la décrépitude, ses racines desséchées ne peuvent plus lui transmettre les sucs nourriciers dont il a besoin pour vivre ; sa moelle se change en poussière, l’intérieur de son tronc se consume, et quand une ligne tirée du centre de gravité tombe hors de sa base, la chute devient certaine. C’est une démonstration mathématique, et comme personne dans le pays ne s’entend comme moi en mathém…

— Ce raisonnement peut être fort juste, Richard, dit M. Temple en l’interrompant ; mais comment se précautionner contre ce danger ? Peut-on aller dans les forêts calculer le centre de gravité des pins et des chênes ? Répondez-moi à cela, cousin Jones, et vous rendrez un grand service au pays.