Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/24

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— Je voudrais, Natty, établir mes droits à l’honneur de cette capture ; bien certainement, si c’est moi qui ai fait à ce daim cette blessure au cou, elle suffisait pour l’abattre, et celle au cœur était ce que nous appelons un acte de surérogation.

— Vous pouvez lui donner tel nom savant qu’il vous plaira, juge, répondit Natty (et, faisant passer la crosse de son fusil vers son talon gauche, il prit dans sa poche de peau un morceau de cuir graissé, et le fit entrer dans le canon pour servir de bourre), mais il est plus aisé d’y trouver un nom que de tuer un daim à l’instant où il bondit ; et, comme je vous le disais, c’est une main plus jeune et plus sûre que la mienne et la votre qui a tué celui-ci.

— Eh bien ! l’ami, dit Marmaduke en se tournant vers le compagnon de Natty, voulez-vous que nous jetions ce dollar en l’air pour voir à qui appartiendra l’honneur d’avoir abattu ce daim ? Si vous perdez, la pièce sera pour vous, à titre de consolation. Que dites-vous à cela ?

— Je dis que j’ai tué le daim, répondit le jeune homme avec un peu de hauteur, en s’appuyant sur un long fusil semblable à celui de Natty.

— Vous êtes deux contre un, dit le juge en souriant, et vous avez pour vous la majorité des voix, comme nous le disons sur les bancs ; car ni Aggy ni Bess n’ont le droit de voter, puisque l’un est esclave et l’autre mineure : ainsi je dois prononcer moi-même ma condamnation. Mais vous me vendrez ce daim, et je ferai une bonne histoire sur la manière dont il a été tué.

— Je ne puis vendre ce qui ne m’appartient pas, dit Natty, prenant un peu du ton de fierté de son compagnon. J’ai vu des daims courir des jours entiers avec une balle dans le cou, et je ne suis pas de ceux qui veulent priver un homme de ses droits légitimes.

— Vous tenez terriblement à vos droits par une soirée si froide, Natty, répliqua le juge avec une bonne humeur invincible ; mais dites-moi, jeune homme, voulez-vous trois dollars pour renoncer à ce daim ?

— Déterminons d’abord, à notre satisfaction mutuelle, la question de savoir à qui il doit appartenir, répondit le jeune chasseur avec une fermeté respectueuse, mais en se servant de termes qui ne semblaient pas d’accord avec sa condition apparente. De combien de chevrotines votre fusil était-il chargé ?