Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/263

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— Adieu, monsieur Edwards, dit Élisabeth en souriant ; je vous souhaite une bonne pêche. Tachez de nous rapporter une bonne truite saumonée pour notre dîner.

Louise, tout en marchant, tourna la tête plusieurs fois pour voir comment Edwards supportait le refus qu’il venait d’essuyer.

— Je crains que nous n’ayons mortifié ce pauvre jeune homme, dit-elle ; il est encore à l’endroit où nous l’avons laissé, appuyé sur sa ligne. Il croit peut-être que nous sommes trop fières pour accepter sa compagnie.

— En ce cas, il a raison, dit miss Temple, semblant sortir d’une profonde rêverie, et sans se retourner. Il ne nous convient pas de recevoir des attentions si particulières de la part d’un jeune homme dont la situation est si équivoque. Si c’est là de la fierté, Louise, c’est une fierté convenable à notre sexe.

Pendant que les deux amies causaient ainsi, Edwards gardait toujours l’attitude dans laquelle Louise l’avait vu, et quand il en changea, après quelques minutes, ce fut par un mouvement subit, en murmurant quelques mots rapides et sans suite ; et jetant sa ligne sur son épaule, il se rendit sur les bords du lac, où il arriva avec l’air de dignité d’un empereur. Il y avait en cet endroit plusieurs barques destinées à l’usage de Marmaduke et de sa famille ; il monta sur l’une d’elles, et rama vigoureusement en se dirigeant vers l’endroit où était située la hutte de Bas-de-Cuir. Ce travail mécanique diminua insensiblement l’amertume de ses réflexions, et quand il aperçut les roseaux qui croissaient sur le rivage, en face de l’habitation du vieux chasseur, son esprit s’était rafraîchi en proportion de ce que son corps s’était échauffé. Peut-être son jugement lui avait-il suggéré les motifs qui avaient influé sur la conduite de miss Temple ; et en ce cas, elle ne put que gagner dans l’estime de M. Edwards.

La barque toucha enfin au sable du rivage, et le jeune homme, s’élançant sur le bord du lac jeta autour de lui un regard de précaution, tira de sa poche un petit sifflet, et l’approchant de ses lèvres, il siffla, sans doute pour annoncer son arrivée. À ce bruit, les deux chiens de Natty commencèrent à aboyer, et s’élancèrent de leurs niches faites en écorce d’arbre, avec une violence qui aurait rompu les courroies de peau de daim qui les retenaient, si elles n’eussent été bien solides.

— Silence, Hector ! Tout beau ! s’écria Olivier ; et les chiens,