Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/27

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duke, qui la serrait fortement, mais il avait toujours les yeux fixés sur Élisabeth, dont les traits enchanteurs secondaient avec une éloquence muette, mais irrésistible, les instances de son père.

Pendant ce temps, Natty était appuyé sur son long fusil, la tête penchée de côté, dans l’attitude d’un homme qui réfléchit profondément, et se relevant tout à coup, comme s’il venait de prendre une détermination : — Je crois, après tout, dit-il à son compagnon, que le plus sage est d’aller à Templeton ; car si la balle est restée dans la plaie, ma main n’est plus assez sûre pour travailler la chair humaine : comme cela m’est arrivé autrefois. Il y a environ trente ans, pendant l’ancienne guerre, quand je servais sous sir William, je fis soixante-dix milles seul, dans un désert, ayant une balle dans la cuisse, et je l’en retirai moi-même avec mon couteau. L’Indien John s’en souvient fort bien, car ce fut à cette époque que je fis connaissance avec lui.

Incapable de résister plus longtemps aux instances réitérées du père et de la fille, le jeune chasseur se laissa enfin déterminer à monter dans le sleigh. Le nègre, aidé par son maître, y jeta le daim sur des bagages, et, dès que les voyageurs furent assis, M. Temple invita Natty à y prendre place aussi.

— Non, non, répondit le vieillard, j’ai affaire à la maison. Emmenez ce jeune homme ; et que le docteur examine son épaule. Quand il ne ferait que retirer la balle, c’est tout ce qu’il faut ; car je connais des herbes qui guériront la blessure plus vite que tous ses onguents. Mais quand j’y pense, si par hasard vous rencontrez l’Indien John dans les environs du lac, vous ferez bien de le prendre avec vous, pour qu’il prête la main au docteur, car, tout vieux qu’il est, il a d’excellentes recettes pour les contusions et les blessures.

— Arrêtez, arrêtez ! s’écria le jeune homme en tenant le bras du nègre qui s’apprêtait à fouetter ses chevaux pour les faire partir ; Natty, ne dites ni que j’ai été blessé, ni où je vais. Souvenez-vous-en bien.

— Fiez-vous-en au vieux Bas-de-Cuir, répondit Natty en lui adressant un coup d’œil expressif ; il n’a pas vécu quarante ans dans les déserts sans avoir appris à retenir sa langue. Fiez-vous à moi, jeune homme, et n’oubliez pas le vieil Indien John, si vous le rencontrez.

— Et dès que la balle sera extraite, ajouta le jeune chasseur, je