Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/310

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— De Natty Bumppo ! répéta Edwards ; que voulez-vous dire ?

— Quoi ! vous n’en avez pas entendu parler ? s’écria le procureur avec un air de surprise parfaitement joué. C’est une affaire qui peut devenir très-mauvaise. Il paraît que le vieillard est allé chasser ce matin sur les montagnes et qu’il a tué un daim, ce qui est un crime aux yeux du juge Temple.

— Oui da ! dit Edwards en détournant la tête pour cacher la rongeur qui lui montait au visage. Eh bien ! s’il ne s’agit que de cela, ce n’est qu’une amende à payer.

— Mais c’est une amende de cinq livres sterling, monsieur Edwards, et où Natty prendra-t-il une pareille somme ?

— Où il la prendra, monsieur Lippet ? Je ne suis pas riche ; je puis même dire que je suis pauvre ; j’ai économisé mon traitement pour un objet que j’ai fort à cœur, mais je dépenserai jusqu’à mon dernier centime plutôt que de souffrir que ce brave homme passe une heure en prison. D’ailleurs, il a tué deux panthères, et la prime qui lui est due viendra en déduction de l’amende.

— Bien, bien, dit le procureur en se frottant les mains d’un air de satisfaction ; en ce cas nous le tirerons d’affaire quant à ce chef ; mais ce n’est pas là la plus mauvaise pièce de son sac.

— Que voulez-vous dire, monsieur Lippet ?

— Avoir tué un daim n’est qu’une bagatelle, en comparaison de ce qui s’est passé ensuite, continua M. Lippet avec un air de confidence et d’amitié qui gagna insensiblement le cœur du jeune Edwards, quelque peu d’affection qu’il eût pour cet homme. Il paraît qu’une dénonciation a été faite contre Natty ; qu’on a prêté serment que le daim tué se trouvait dans sa chaumière, et le juge Temple, conformément aux statuts, a délivré un mandat de perquisition.

— Un mandat de perquisition ! s’écria Edwards d’une voix tremblante d’émotion, et avec une pâleur remarquable ; et qu’a-t-on trouvé chez lui ? qu’a-t-on vu ?

— On a vu le canon de son fusil, et c’en est assez pour apaiser la curiosité de bien des gens dans les bois.

— Et il les a forcés à battre en retraite ! s’écria Edwards avec un rire convulsif ; les y a-t-il forcés ?

Le procureur le regarda d’un air surpris ; mais son étonnement