Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
S’il eut des défauts,
Ce furent ceux d’un Indien ;
Et ses vertus
Furent celles d’un homme.


— Jamais vous n’avez rien dit de plus vrai, monsieur Olivier. Ah ! si vous l’aviez connu comme moi ! si vous l’aviez vu dans sa jeunesse, dans cette bataille après laquelle le brave homme qui dort à ses côtés lui sauva la vie, quand ces coquins d’Iroquois l’avaient déjà attaché au poteau ? Je coupai ses liens de ma propre main, et je lui donnai mon tomahawk et mon couteau, attendu que le fusil a toujours été mon arme favorite. Et comme il s’en servit quand nous poursuivîmes ces brigands ! Il avait le soir onze chevelures. Eh bien ! quand je regarde ces montagnes où je voyais quelquefois jusqu’à vingt feux des Delawares, cela me rend soucieux de penser qu’il n’y reste pas une Peau-Rouge, à moins que ce ne soit quelque ivrogne vagabond venant de l’Onéida, ou de ces demi-Indiens du bord de la mer, qui, à mon avis, ne sont pas des créatures de Dieu, puisqu’ils ne sont ni blancs ni rouges. Enfin le moment est arrivé, il faut que je parte.

— Que vous partiez ! s’écria Effingham ; et où voulez-vous aller ?

— Je réponds qu’il veut aller chasser bien loin d’ici ! s’écria Élisabeth en le voyant se baisser pour ramasser un paquet en forme de havre-sac, qu’il avait placé derrière le monument, et le charger sur ses épaules. Il ne faut plus entreprendre de si longues expéditions dans les bois, Natty ; à votre âge cela est imprudent.

— Élisabeth a raison, Bas-de-Cuir, ajouta Effingham ; si vous voulez chasser, que ce soit sur les montagnes voisines. Quel besoin avez-vous maintenant de vous condamner à une vie si dure ?

— À une vie si dure, monsieur Olivier ! répondit Natty ; c’est le seul plaisir qui me reste dans ce monde. Et cependant je savais que la séparation serait pénible ; je le savais, et c’était pourquoi j’étais venu faire mes adieux aux tombeaux, pour partir sans vous revoir. Mais ne croyez pas que ce soit faute d’amitié ; en quelque lieu que soit le corps du vieux Natty, son cœur sera toujours avec vous.

— Que voulez-vous donc dire, Bas-de-Cuir ? s’écria Effingham ; où avez-vous dessein d’aller ?