Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/421

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jour, portée au camp, et déposée provisoirement dans des tonneaux, d’où on la tire pour emplir les chaudières. Dans tous les cas, on doit la faire bouillir dans le cours des deux ou trois premiers jours qu’elle a été extraite du corps de Marbre, étant susceptible d’entrer promptement en fermentation, surtout si la température devient plus douce. On procède à l’évaporation par un feu actif ; on écume avec soin pendant l’ébullition, et on ajoute de nouvelles quantités de sève jusqu’à ce que la liqueur ait pris une consistance sirupeuse ; alors on la passe, après qu’elle est refroidie (il vaudrait mieux la passer toute chaude), à travers une couverture ou toute autre étoffe de laine, pour en séparer les impuretés dont elle peut être chargée.

« Quelques personnes recommandent de ne procéder au dernier degré de cuisson qu’au bout de douze heures ; d’autres, au contraire, pensent qu’on peut s’en occuper immédiatement. Dans l’un ou l’autre cas on verse la liqueur spiritueuse dans une chaudière qu’on n’emplit qu’aux trois quarts, et par un feu vif et soutenu on l’amène promptement au degré de consistance requis pour être versée dans des moules ou baquets destinés à la recevoir. On connaît qu’elle est arrivée à ce point lorsqu’en en prenant quelques gouttes entre les doigts on sent de petits grains. Si dans le cours de cette dernière cuite, la liqueur s’emporte, on jette dans la chaudière un petit morceau de lard ou de beurre, ce qui la fait baisser sur-le-champ. La mélasse s’étant écoulée des moules, ce sucre n’est plus déliquescent comme le sucre brut des colonies.

« Le sucre d’érable obtenu de cette manière est d’autant moins foncé en couleur, qu’on a apporté plus de soin à l’épuration, et que la liqueur a été rapprochée convenablement. Sa saveur est aussi agréable que celle du sucre de canne, et il sucre également bien. Raffiné il est aussi beau et aussi bon que celui que nous obtenons dans nos raffineries d’Europe.

« L’espace de temps pendant lequel la sève exsude des arbres est limité à environ six semaines ; sur la fin elle est moins abondante et moins sucrée, et se refuse quelquefois à la cristallisation ; on la conserve alors comme mélasse. La sève, exposée plusieurs jours au soleil, éprouve une fermentation qui la convertit en vinaigre. Cette sève, au sortir de l’arbre, est claire et limpide comme l’eau la mieux filtrée ; elle est fraîche, et laisse à la bouche un petit goût sucré fort agréable. Elle est très-saine, et l’on n’a point remarqué qu’elle ait jamais incommodé ceux qui en ont bu, même après des exercices violents, et étant tout en sueur. Elle passe très-promptement dans les urines.

« Différentes circonstances continuent à rendre la récolte du sucre plus ou moins abondante : ainsi, un hiver très-froid et très-sec est plus productif que lorsque cette saison a été variable et humide. On observe encore que lorsque pendant la nuit il a gelé très-fort, et que dans la journée qui la suit l’air est très-sec et qu’il fait beau soleil, la sève coule avec une grande abondance, et qu’alors un arbre donne quelquefois deux ou trois gallons (huit à douze litres) en vingt-quatre heures. On estime que trois personnes peuvent soigner deux cent cinquante arbres qui donnent ensemble mille livres de sucre.

« Les mêmes arbres peuvent ainsi être travaillés pendant trente années de suite, et donner des récoltes annuelles semblables, sans diminuer de vigueur, parce que, comme on évite de perforer leur tronc au même endroit, il se forme un nouvel aubier aux places qui ont été entamées, et les couches ligneuses qu’ils acquièrent successivement les mettent dans le même état qu’un arbre récemment soumis à cette opération.