hasard a formés, et que je serais si charmée de voir rompus pour toujours !
Hélène humiliée ne put en dire davantage, et s’appuyant sur une pointe du rocher, elle commença à sangloter d’une manière qui rendait leur situation doublement critique. Le docteur murmura quelques mots par forme d’explication apologétique ; mais avant qu’il eût eu le temps de terminer sa justification élaborée, Hélène releva la tête et lui dit avec fermeté :
— Je ne suis pas venue ici pour verser follement des larmes, et vous n’y êtes pas pour les essuyer. — Quel motif vous a amené ici ?
— Il faut que je voie l’être qui se trouve dans cette tente.
— Vous savez donc qui elle renferme ?
— Je crois le savoir, et je suis porteur d’une lettre que je dois lui remettre moi-même. Si c’est un quadrupède qui se trouve sous cette tente, je n’ai rien à reprocher à Ismaël. — Si c’est un bipède, qu’il soit à plume ou sans plumes, il m’a trompé, et notre pacte devient nul.
Hélène fit un signe au docteur de rester où il était, et de garder le silence. Elle se glissa dans la tente, où elle resta quelques minutes qui parurent bien longues et bien pénibles au naturaliste qui l’attendait. Enfin elle revint, le prit par le bras, et ils entrèrent ensemble sous les replis de la toile qui formait cette tente mystérieuse.
CHAPITRE XII.
a famille des frontières, réunie le lendemain matin, resta
plongée dans un silence sombre et mélancolique. Il manquait au
déjeuner l’accompagnement peu harmonieux dont Esther avait
coutume d’animer tous les repas ; car les effets du puissant narcotique
que le docteur lui avait administré troublaient encore la
clarté ordinaire de son intelligence. Les jeunes gens songeaient
avec inquiétude à l’absence de leur frère aîné ; et Ismaël fronçait
le sourcil d’un air sévère, tandis qu’il jetait tour à tour un regard