Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/15

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Quelle que fût la destination dernière de ces aventuriers, quelles que fussent les causes secrètes de leur sécurité apparente dans un lieu si retiré et loin de tout secours, il est certain que rien dans leur contenance ni dans leurs manières n’annonçait la moindre alarme ni la plus légère inquiétude. En y comprenant les femmes et les enfants, la troupe se composait de plus de vingt personnes.

À quelque distance en avant de tous les autres marchait l’individu qui, par sa position ainsi que par son maintien, paraissait être le chef de la bande. C’était un homme d’une grande taille, brûlé du soleil, déjà sur le retour de l’âge, dont l’air épais et insouciant ne peignait aucune émotion, aucun sentiment de regret pour le passé, ou d’anxiété pour l’avenir. Ses membres semblaient flasques et comme détendus ; mais ils étaient, en réalité, d’une force et d’une vigueur extraordinaires. Ce n’était pourtant que lorsque quelque léger obstacle venait s’opposer à sa marche que ce corps qui, dans sa manière d’être habituelle, paraissait énervé, et en quelque sorte affaissé sous son propre poids, montrait cette énergie surprenante dont le principe, quoique caché, n’en était pas moins inhérent à son organisation ; semblable à l’éléphant, qui, lourd et pesant dans sa démarche, n’en est pas moins terrible lorsque sa force assoupie se réveille tout à coup. La partie inférieure de sa figure n’offrait que des traits larges, grossiers et insignifiants ; tandis que le haut de sa tête, cette partie plus noble, siège de l’intelligence, avait quelque chose de bas et de repoussant.

Son costume offrait un mélange bizarre de l’accoutrement grossier d’un laboureur, avec ces vêtements de cuir, commodes et même nécessaires dans de pareilles émigrations. Tout cela était entouré d’une foule d’ornements disparates, qui, placés sans aucun goût, formaient l’effet le plus grotesque. Au lieu du ceinturon ordinaire de peau de daim, il portait autour du corps une ceinture de soie fanée des couleurs les plus apparentes. Le manche de son couteau en corne de bouc était décoré d’une quantité de plaques d’argent ; la fourrure de son bonnet était d’une finesse et d’un moelleux qui aurait pu faire envie à une reine ; les boutons de son habit de laine, sale et grossier, étaient du métal éclatant du Mexique ; ce même métal brillait sur son fusil, dont la monture était en superbe acajou, et les chaînes et breloques de trois mauvaises montres pendaient à différentes parties de sa personne.