Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/162

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sition dans laquelle ils avaient trouvé le corps de leur frère. Il était presque assis, le dos appuyé contre un gros buisson, et une main encore serrée autour d’une branche d’aulne, qu’il avait probablement cassée. C’était peut-être à cause de la première circonstance que son corps avait échappé à la rapacité des oiseaux de proie qu’ils avaient vus voltiger au-dessus de ce petit bois, et la seconde prouvait que la vie n’avait pas encore abandonné la malheureuse victime quand elle y était entrée. L’opinion générale fut alors qu’Asa avait reçu dans la Prairie la blessure qui lui avait donné la mort, et qu’il avait traîné ses membres affaiblis jusqu’en cet endroit pour s’y cacher ; et les traces qu’on remarqua parmi les buissons servirent à la confirmer. En continuant l’examen, on reconnut aussi qu’une lutte désespérée avait eu lieu sur la lisière du bois : des branches brisées, les traces de ses pieds fortement empreintes sur un terrain humide, et le sang qui avait coulé, en étaient des preuves manifestes.

— Il a reçu un coup de feu dans la plaine, et il est venu ici pour se mettre à couvert, dit Abiram ; ces marques le prouvent clairement. Il a été attaqué par une bande de sauvages, et il a combattu comme un héros qu’il était, jusqu’à ce que ses forces fussent épuisées, et alors ils l’ont traîné dans le bois.

Cette explication paraissait probable, et il ne s’éleva qu’une voix pour la contredire, celle d’Ismaël, dont la lourde intelligence n’allait pas si site sur le chemin des conjectures, et il demanda qu’on examinât le corps, pour voir quelles blessures lui avaient ôté la vie. Vérification faite, il parut qu’une balle lui avait traversé le corps, et qu’entrant sous une des épaules, elle était sortie par la poitrine. Il fallait quelques connaissances dans la nature des blessures faites par les armes à feu, pour décider ce point délicat ; mais l’expérience qu’ils avaient acquise comme chasseurs ne leur laissa aucun doute, et les enfants d’Ismaël laissèrent échapper un sourire de satisfaction sauvage et certainement singulière, quand Abner annonça, d’un ton positif, que les ennemis d’Asa l’avaient attaqué par derrière.

Le père avait écouté avec attention. — Il faut que cela soit ainsi, dit-il d’un air sombre. Asa était de trop bonne race et trop bien appris pour fuir devant un homme ou devant une bête. Souvenez-vous, mes enfants, que tant que vous faites face à un ennemi, quel qu’il soit ou qu’il puisse être, vous êtes à l’abri de la surprise et de la trahison. — Eh bien ! Esther, perdez-vous l’es-