Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/171

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probablement fait comprendre l’épouse d’Ismaël au nombre des femmes les plus remarquables de son temps, si les circonstances l’eussent placée dans une sphère plus étendue. Esther avait déjà une fois défendu la cabane de son mari contre une attaque des sauvages ; et, dans une autre occasion, elle avait été laissée pour morte par ces barbares, après une résistance qui, de la part d’un ennemi plus civilisé, lui aurait au moins obtenu une capitulation honorable. Ces faits, et quelques autres de même nature, avaient été souvent cités, et avec le ton d’exaltation convenable, en présence de ses filles ; et le cœur de ces deux jeunes amazones était étrangement partagé en ce moment entre une terreur naturelle et le désir de faire quelque chose qui pût prouver qu’elles étaient les dignes filles d’une telle mère. Il parut bientôt que l’occasion d’acquérir cette distinction étrange et peu désirable ne leur serait pas refusée.

Les quatre étrangers étaient déjà arrivés à environ cent verges du rocher. Soit par suite de la prudence avec laquelle ils croyaient devoir avancer ou de la crainte que leur causait l’attitude menaçante de deux guerrières, retranchées derrière leurs barricades, par-dessus lesquelles se montraient les canons de deux vieux mousquets, ils s’arrêtèrent au bas d’une petite élévation couverte de grandes herbes, qui leur offrait l’avantage de pouvoir se dérober à la vue des assiégés. De là, ils s’occupèrent à reconnaître la forteresse pendant quelques minutes qui parurent bien longues à Hélène, et qu’elle passa dans la plus vive inquiétude. Enfin un d’eux s’avança seul, et il sembla marcher en parlementaire, plutôt qu’annoncer des intentions hostiles.

— Phœbé, faites feu ! — Non, Hetty, tirez vous-même ! s’étaient déjà dit les deux filles du squatter, moitié épouvantées, moitié empressées de concourir à la défense de la place, quand Hélène épargna à l’étranger au moins quelques alarmes, sinon un danger réel, en s’écriant à la hâte :

— Baissez vos mousquets ! c’est le docteur Battius !

Les deux sentinelles obéirent, c’est-à-dire leurs doigts cessèrent de toucher le chien de leurs fusils, mais le canon menaçant en resta toujours dirigé vers l’audacieux qui se présentait.

La naturaliste, qui s’était avancé avec assez de circonspection pour remarquer la moindre démonstration hostile que ferait la garnison, éleva alors un mouchoir blanc sur le haut de son fusil, et arriva enfin à portée de se faire entendre. Prenant alors un air