Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— L’expérience est un bon guide, dit le drôle en s’éloignant. Il se retourna un moment après pour regarder Middleton, en souriant d’un air content de lui-même, et se dirigea ensuite vers la boutique de la vivandière.

Cent fois, pendant la nuit suivante, Middleton pensa que ce que lui avait dit ce mécréant méritait quelque attention, et autant de fois il rejeta cette idée comme trop extravagante pour y songer un instant. Après avoir passé la nuit dans l’agitation et sans dormir, il céda au sommeil vers le matin, et fut éveillé peu après par le sergent de garde, qui vint lui rendre compte qu’on avait trouvé un homme mort dans l’enceinte des lignes, à peu de distance de son logement. S’étant, habillé à la hâte, Middleton se rendit sur les lieux, et reconnut l’individu avec lequel il avait eu une conversation la veille, et qui était étendu précisément à l’endroit où il l’avait rencontré.

Ce misérable avait péri victime de son intempérance. Ce fait révoltant était suffisamment prouvé par ses yeux rouges qui sortaient de leurs orbites, par son visage gonflé, et par l’odeur insupportable qu’exhalait déjà son cadavre. Dégoûté de ce hideux spectacle, le jeune officier détournait les yeux, après avoir ordonné qu’on transportât le corps hors du camp, lorsque la position d’une des mains du défunt le frappa. En l’examinant, il vit qu’il avait l’index allongé, comme pour écrire sur le sable, et il remarqua les caractères suivants mal tracés, mais lisibles : — Capitaine, il est vrai, comme je suis honn… Mais avant de finir la phrase, la mort l’avait frappé, où il avait succombé à un sommeil qui en était le précurseur.

Sans faire part à personne de cette circonstance, Middleton réitéra ses ordres, et se retira. L’obstination du défunt et toutes les circonstances réunies le portèrent à prendre secrètement quelques informations, et il apprit qu’une famille dont la description ressemblait parfaitement à celle que l’ivrogne lui en avait faite, avait effectivement passé par cette ville le jour même de son mariage. On suivit aisément ses traces sur les rives du Mississipi jusqu’à une certaine distance. Là elle s’était embarquée et avait remonté ce fleuve jusqu’à son confluent avec le Missouri. En cet endroit elle avait disparu, comme des centaines d’autres aventuriers, pour aller chercher fortune dans l’intérieur.

Bien certain de ces faits, Middleton emmena avec lui une petite escorte des hommes dont il était le plus sûr, prit congé de don