Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/197

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— Elle peut avoir eu, comme moi, quelque relation à faire à une oreille privilégiée.

Le jeune homme ne rendait pourtant pas justice aux motifs d’Hélène Wade. Aussi intelligente que sensible, elle avait senti que sa présence n’était nullement nécessaire à l’entrevue dont nous venons de parler, et elle s’était retirée avec cette délicatesse naturelle qui semble appartenir plus particulièrement à son sexe. On pouvait la voir alors, assise sur une pointe de rocher, et tellement enveloppée de ses vêtements, qu’il était impossible de distinguer ses traits. Elle y était restée près d’une heure sans que personne approchât d’elle, et même sans que personne l’observât, du moins à ce qu’elle croyait. À cet égard, pourtant, la clairvoyance de la vigilante Hélène fut en défaut.

Le premier soin de Paul Hover, en se trouvant maître de la citadelle d’Ismaël, avait été de faire entendre les sons de la victoire de la manière aussi étrange que burlesque qui est si souvent usitée parmi les habitants des frontières de l’ouest. Se battant les côtés des deux bras, comme le coq qui vient de triompher d’un rival bat des ailes, il imita d’une manière risible le chant victorieux de cet oiseau, avec un tel bruit, qu’il aurait pu devenir un signal de guerre si quelqu’un des enfants athlétiques du squatter eût été à portée de l’entendre.

— Voilà ce que j’appelle régulièrement abattre l’arbre, pour tirer le miel du tronc, s’écria-t-il, et sa chute n’a cassé les os à personne. Eh bien ! vieux Trappeur, vous avez été dans votre temps un soldat discipliné ; en avant, marche ! Ce n’est pas la première fois que vous avez vu prendre des forts et démonter des batteries, n’est-ce pas ?

— C’est vrai, c’est vrai, répondit le vieillard, qui conservait son poste au pied du rocher, si peu ému par tout ce qu’il venait de voir, qu’il répondit à Paul avec ce sourire silencieux qui le caractérisait. Vous vous êtes conduit dans toute cette affaire en homme brave.

— Maintenant, dites-moi, n’est-il pas d’usage, après une bataille sanglante, de faire l’appel des vivants et d’enterrer les morts ?

— Quelquefois oui, quelquefois non. Quand sir William[1] poussa l’Allemand Dieskau dans les défilés de l’Hori…

— Votre sir William n’était qu’un goujat auprès de sir Paul ; il

  1. Ce général, souvent désigné par son nom de William, était sir William Hove.