Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/243

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rent dans un combat livré pour la justice ; mais il est sans yeux et sans oreilles pour l’Indien qui est tué en pillant son voisin ou en cherchant à lui nuire.

— Mon père est vieux, dit Mahtoree en regardant le Trappeur avec une expression d’ironie qui annonçait qu’il était de ces gens qui ont secoué les entraves de l’éducation, et qui sont portés a abuser de la liberté d’esprit qu’ils obtiennent par ce moyen ; mon père est très-vieux. A-t-il fait un voyage dans le pays des Esprits, et s’est-il donné la peine d’en revenir pour apprendre aux jeunes gens ce qu’il a vu ?

— Teton, répondit le vieillard en frappant la terre de la crosse de son fusil avec violence, et en regardant son compagnon d’un air aussi ferme que serein, j’ai entendu dire qu’il y a dans ma nation des hommes qui étudient leurs grands livres au point de se regarder comme des dieux, et qui se moquent de toute croyance, excepté de leur vanité ; cela peut être vrai, car j’en ai vu. Quand l’homme est enfermé avec sa propre folie, dans les villes et dans les écoles, il peut lui être aisé de se croire plus grand que le maître de la vie ; mais un guerrier qui habite une maison dont le toit est le firmament, qui peut à tout moment lever les yeux au le ciel ou les baisser vers la terre, qui voit tout le pouvoir du Grand-Esprit, doit avoir plus d’humilité. Un chef Dahcotah doit être trop sage pour rire de la justice.

L’astucieux Mahtoree, qui vit que sa profession d’esprit fort ne paraissait pas faire une impression favorable sur le vieillard, changea tout à coup de conversation, et en revint à ce qui était le sujet plus immédiat de leur entrevue. Appuyant doucement une main sur l’épaule du Trappeur, il s’avança avec lui jusqu’à une cinquantaine de pas du petit bois. Là, il s’arrêta, et fixant ses yeux pénétrants sur la physionomie de son compagnon, il reprit la parole en ces termes :

— Si mon père a caché ses jeunes guerriers en cet endroit, qu’il leur dise d’en sortir. Vous voyez qu’un Dahcotah n’a pas peur ; Mahtoree est un grand chef. Un guerrier dont la tête est blanche, et qui est sur le point de partir pour le pays des Esprits, ne doit pas avoir une langue fourchue comme celle du serpent.

— Dahcotah, je n’ai pas dit de mensonge. Depuis que le Grand-Esprit m’a fait homme, j’ai vécu dans les bois, on dans ces plaines ouvertes, sans avoir ni loge ni famille. Je suis un chasseur, et je marche seul sur mon sentier.