Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/257

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dont il ne connût l’air, la taille, le costume, et même jusqu’à la couleur des yeux et des cheveux, et il avait mûrement réfléchi aux causes qui pouvaient avoir amené une troupe si singulièrement composée jusqu’au milieu des retraites des habitants de ces déserts. Il avait déjà examiné la force physique de chacun d’eux, et il avait cherché à découvrir d’après cet examen quelles avaient pu être leurs intentions. Ce qu’étaient point des guerriers ; car les Longs-Couteaux ainsi que les Sioux laissaient leurs femmes dans leurs villages lorsqu’ils s’avançaient sur le sentier de la guerre. Ce ne pouvaient être des chasseurs, ni même des marchands, seuls titres auxquels les visages pâles parussent ordinairement dans leurs villages ; les mêmes objections empêchaient de le supposer.

Il avait entendu parler d’un grand conseil où les Menahaschahs, ou Longs-Couteaux, et les Waschcomantiquas, ou Espagnols, avaient fumé ensemble, lorsque ceux-ci avaient vendu aux premiers leurs droits imaginaires sur ces vastes régions, dans lesquelles sa nation errait en liberté depuis tant de siècles. Son esprit borné n’avait pas été capable de concevoir les raisons qui pouvaient faire qu’un peuple s’arrogeât ainsi les possessions d’un autre, et le peu de mots que le Trappeur venait de lui dire avaient suffi pour lui faire croire que celui qui, sans le savoir, était le sujet de leur conversation, venait sans doute exercer quelque influence magique, influence à laquelle il croyait fermement pour appuyer ses droits mystérieux. Déposant aussitôt toute réserve, et n’ayant plus que le sentiment amer de son ignorance, il se tourna vers le vieillard, et lui dit, en étendant le bras vers lui comme pour implorer sa compassion :

— Que mon père me regarde : je suis un homme sauvage des Prairies ; mon corps est nu, mes mains sont vides et ma peau rouge. J’ai combattu les Pawnies, les Konzas, les Omahaws, les Osages, et même les Longs-Couteaux. Je suis un homme au milieu des guerriers ; mais je ne suis qu’une femme au milieu des magiciens. Que mon père parle : les oreilles du Teton sont ouvertes, il écoute comme un daim qui croit entendre le pas du couguar.

— Telles sont les voies sages et impénétrables de celui qui seul connaît le bien d’avec le mal ! s’écria le Trappeur en anglais. Aux uns il accorde la force, et aux autres la ruse. Il est humiliant, il est affligeant de voir une créature aussi noble que celle-ci, qui s’est signalée dans tant de combats sanglants, ramper sous le joug