Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À peine avait-il achevé cette phrase, que Wencha pressant à son tour le galop de son cheval, fut bientôt confondu avec le reste de la troupe, qui cheminait à quelque distance d’un pas un peu plus modéré. Le Trappeur, qui savait combien est inconstant et léger l’esprit d’un sauvage, ne perdit pas un moment pour profiter de cet avantage. Il lâcha les rênes à son coursier impatient, et, en un instant, il se trouva à côté d’Obed.

— Voyez-vous l’étoile brillante qui est à peu près à quatre portées de fusil, là en haut de la Prairie, — là-bas… du côté du nord ?

— Oui, oui ; c’est la constellation…

— Qui vous parle de constellation, homme ? Voyez-vous l’étoile que je vous montre ? Dites-moi en anglais de la terre, oui ou non.

— Oui.

— Dès que je vais avoir le dos tourné, mettez votre âne au galop jusqu’à ce que vous ayez perdu de vue les sauvages. Alors, placez votre confiance dans le Seigneur et dans l’étoile qu’il vous donne pour guide. Ne vous écartez ni à droite ni à gauche, mais hâtez-vous de profiter des instants, car votre bête n’a pas l’allure vive, et chaque pouce de terrain que vous gagnerez sera un jour ajouté à votre liberté et peut être à votre vie.

Sans attendre les questions que le naturaliste s’apprêtait à lui faire, le Trappeur s’éloigna à toute bride, et se trouva bientôt en tête de la troupe.

Obed se trouvait seul alors. Asinus obéit volontiers au signal du départ que son maître lui donna, plutôt en désespoir de cause que par un souvenir bien distinct des conseils qu’il venait de recevoir. Comme les Tetons continuaient à galoper, l’âne avait à peine fait cent pas dans une autre direction, que lui et son maître furent hors de la vue des cavaliers. Sans plan, sans projets, sans aucun espoir que celui d’échapper à ses dangereux voisins, le premier sentiment du docteur fut de s’assurer si le sac qui contenait les tristes restes des notes et des curiosités qu’il avait recueillies était toujours à la croupe de sa selle ; alors il tourna la tête de son âne dans la direction qui lui avait été indiquée, et le frappant avec une espèce de furie, il réussit bientôt à changer le pas du patient animal en un trot rapide. À peine avait-il eu le temps de descendre dans un bas-fond, et de remonter l’autre colline, qu’il entendit ou qu’il crut entendre son nom sortir en bon