Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/275

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fait. Maintenant, écoutez ce que l’expérience d’un vieillard lui apprend. Voilà longtemps que je suis sur la terre, ainsi que l’attestent ces cheveux gris et ces mains ridées, quoique ma langue démonte quelquefois la sagesse de mes années. Je puis dire que j’ai vu la folie de l’homme sous toutes ses faces ; car sa nature est la même, qu’il soit né dans les habitations on au sein des déserts. Eh bien ! autant que peut juger ma faible intelligence, il m’a toujours semblé que ses dons n’étaient pas au niveau de ses désirs. À voir les efforts continuels qu’il fait sur la terre, on dirait qu’il voudrait monter aux cieux avec tout le cortège de ses infirmités, si seulement il en connaissait la route. Mais si son pouvoir n’égale pas sa volonté, c’est que la sagesse du Seigneur a cru devoir poser des limites à ses tentatives perverses.

— Il n’est que trop vrai que certains faits sembleraient tendre à prouver la dépravation naturelle du genre ; mais si la science pouvait agir un jour sur toute l’espèce à la fois, l’éducation déracinerait aisément le principe vicieux.

— C’est une belle chose que votre éducation ! Il y eut un temps où je croyais possible d’apprivoiser une bête sauvage. Nombreux sont les oursons et les jeunes taons que ces vieilles mains ont élevés avec tant, de soins que j’allais jusqu’à me flatter d’en avoir fait des êtres raisonnables. Mais qu’arrivait-il ? Un peu plus grand, l’ours mordait, et le daim s’enfuyait dans les forêts, malgré ma folle présomption de croire que je pourrais changer le caractère que le Seigneur lui-même avait jugé convenable de lui donner. Si donc l’homme est assez aveugle pour continuer d’âge en âge à faire le mal, presque toujours à ses dépens, il n’y a point de raisons pour croire que sa malice ne se soit point exercée ici aussi bien que dans les pays que vous appelez si anciens. Regardez autour de vous, homme ; où sont les multitudes qui peuplaient autrefois ces Prairies ; les rois et les palais ; les richesses et la splendeur de ce désert ?

— Permettez-moi d’abord de vous demander où sont les monuments qui pourraient prouver la vérité d’une aussi vague théorie.

— Je ne sais pas ce que vous entendez par monuments.

— Les ouvrages de l’homme, les merveilles de Thèbes et de Balbec, les colonnes, les catacombes et les pyramides, restées debout au milieu des sables de l’Orient, comme des débris de navire sur une côte dangereuse, pour attester les orages des siècles.