Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ils ne sont plus : le temps a duré trop longtemps pour eux ; et pourquoi ? C’est que le temps a été fait par le Seigneur, et qu’eux ils ont été faits par des hommes. Cette place même, toute couverte d’herbes et de roseaux, où nous sommes assis en ce moment, a peut-être été le jardin de quelque grand roi. Il en est de même de toutes les choses ici-bas ! tout mûrit, et puis vient à rien. L’arbre fleurit et porte son fruit ; ce fruit tombe, pourrit, se dessèche, et la semence même en est perdue. Allez compter les cercles du chêne et du sycomore ; ils augmentent, se multiplient les uns autour des autres, jusqu’à ce que l’œil se trouble en s’efforçant de les compter, et cependant il faut une année entière pour qu’une de ces petites lignes se forme autour de la tige. Eh bien ! que résulte-t-il de tout cela ? Cet arbre qui est plus beau, plus grand, plus majestueux, plus difficile à imiter qu’aucune de vos misérables colonnes, qui s’élèvent si fièrement dans la forêt depuis mille ans, le temps arrive pourtant où il doit périr, et ce temps, c’est le Seigneur seul qui l’a fixé ; alors viennent les vents qui, sans que vous vous en aperceviez, fondent son écorce ; puis viennent les eaux du ciel qui amollissent ses pores ; puis la pourriture qui l’attaque de tous côtés, qui humilie son orgueil, et le fait tomber à terre. Depuis ce moment, sa beauté s’altère de jour en jour ; ce n’est bientôt plus qu’un tronc informe ; encore un siècle, et ce ne sera plus que poussière ; triste image d’une tombe humaine. C’était un monument superbe, non pas de vos pierres ciselées, mais tel que la main toute puissante l’avait fait. Eh bien ! le batteur d’estrade le plus adroit de toute la nation des Dahcotahs pourrait passer sa vie à chercher l’endroit où il s’élevait dans les airs, et il n’en saurait pas plus lorsque ses yeux deviendront troubles, que lorsqu’il les ouvrit pour la première fois. Comme si tout cela ne suffisait pas pour convaincre l’homme de son ignorance, pour ajouter encore à sa confusion, un pin sort de la racine du chêne, comme la stérilité vient après l’abondance, ou comme ces déserts ont peut-être remplacé quelque jardin. Ne me parlez pas de vos mondes qui sont anciens : c’est un blasphème que d’assigner ainsi des bornes et des saisons aux ouvrages du Tout-Puissant, comme une femme qui compte les années de ses enfants.

— Ami chasseur, ou Trappeur, repartit le naturaliste en toussant pour se remettre de la confusion intellectuelle dans laquelle l’avaient jeté les attaques vigoureuses de son compagnon, si vos