Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/313

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chacun d’eux, appuyé sur son fusil, considérait les mouvements des Sioux pendant leur conférence. Cependant aucun signe d’intérêt, aucun symptôme des sentiments qui les agitaient intérieurement, n’échappait même aux plus jeunes d’entre eux ; on eût dit qu’ils se piquaient d’imiter le flegme et le sang-froid de leurs sauvages alliés. Ils parlaient rarement, et lorsqu’ils le faisaient, c’était par phrases courtes et sèches qui semblaient destinées à faire ressortir la supériorité de l’homme blanc sur l’Indien. En un mot, la famille d’Ismaël semblait alors savourer les jouissances qui lui convenaient le mieux, celles d’une inaction complète, mais non sans le mélange d’une crainte vague qu’elles ne fussent brusquement troublées par quelque acte de perfidie de la part des Tetons. Abiram seul faisait exception à cet état de repos équivoque.

Après avoir passé sa vie à commettre mille bassesses subalternes et insignifiantes, le vendeur de chair humaine avait rassemblé tout son courage pour tenter l’entreprise désespérée que nous avons mise sous les yeux du lecteur dans le cours de notre récit. Il était loin d’exercer une grande influence sur l’esprit plus intrépide, mais moins actif d’Ismaël ; et si celui-ci ne s’était pas vu expulsé d’une vallée fertile dont il avait pris possession, dans l’intention d’y établir sa résidence, sans montrer beaucoup de déférence pour les formalités d’usage, jamais Abiram ne fût parvenu à engager le mari de sa sœur dans une entreprise qui demandait tant d’opiniâtreté et de prévoyance. On a vu comment leurs mesures, qui avaient d’abord été couronnées d’un plein succès, furent déjouées bientôt après ; et Abiram se tenait alors à l’écart, calculant les moyens de s’assurer les avantages qu’il avait compté retirer de son entreprise, et qui étaient près de lui échapper par suite de l’admiration non équivoque que Mahtoree manifestait pour l’innocente victime de sa cupidité. Nous le laisserons chercher à concilier ses projets confus et incohérents, pour passer à la description de plusieurs autres personnages de notre histoire.

Un autre coin du tableau était encore occupé. Sur un petit banc, à l’extrême droite du camp, étaient Paul et Middleton. Des courroies, taillées dans la peau d’un bison, liaient fortement leurs membres, et, par une sorte de raffinement de cruauté, ils étaient placés de manière à pouvoir contempler mutuellement leurs souffrances. À vingt pas un poteau avait été enfoncé dans la terre, et l’on y voyait attaché le jeune et intrépide Cœur-Dur, qui, par l’élégance de sa taille et de ses proportions, semblait être l’Apollon