Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/320

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tout à coup pour ne plus reparaître. Mais la force des souvenirs avait fait vibrer une corde trop sensible dans le cœur du vieillard pour qu’il pût se décider à terminer aussi brusquement l’entretien. Il réfléchit une minute, puis il reprit, en attachant ses yeux expressifs sur la figure de son jeune ami :

— Chaque guerrier doit être jugé d’après ses dons. J’ai dit à mon fils ce que je ne pouvais point faire ; mais qu’il ouvre ses oreilles pour entendre ce qui m’est possible. Un élan ne franchira pas la Prairie beaucoup plus verte que ces vieilles jambes, si le Pawnie veut me donner un message qu’un blanc puisse porter.

— Que le Visage Pâle écoute, répondit le jeune captif après un seul instant d’indécision causée par le refus qu’il venait d’éprouver. Il restera ici jusqu’à ce que les Sioux aient fini de compter les têtes scalpées de leurs guerriers morts. Il attendra qu’ils aient essayé de couvrir les têtes de dix-huit Tetons de la peau d’un seul Pawnie, il ouvrira ses yeux tout grands, pour qu’il puisse voir la place où ils enterreront les os d’un guerrier.

— Tout cela, je puis le faire, et je le ferai, brave jeune homme.

— Il fera bien attention à la place, pour qu’il puisse la reconnaître.

— Pas de crainte, croyez-moi, pas de crainte que j’oublie la place, répondit le vieillard attendri, que son courage commençait à abandonner à la vue d’un calme et d’une résignation si héroïques.

— Eh bien ! je compte sur la promesse de mon père. Je sais qu’il ira trouver mon peuple. Sa tête est grise et ses paroles ne s’envoleront pas comme la fumée. Lorsqu’il sera devant ma hutte, qu’il prononce à haute voix le nom de Cœur-Dur. Aucun Pawnie ne sera sourd. Alors, que mon père demande le poulain qui n’a jamais été monté, mais qui est plus svelte que le daim, et plus agile que l’élan.

— Je vous comprends, mon garçon, je vous comprends, interrompit le Trappeur attentif ; ce que vous désirez sera fait ; oui, et bien fait, entendez-vous, ou bien je me connais peu aux désirs d’un Indien mourant.

— Et lorsque mes jeunes guerriers auront remis à mon père la bride de ce poulain, il l’amènera par un chemin détourné sur le tombeau de Cœur-Dur.

— Si je le ferai ? oui, sans doute, mon brave jeune homme, quand même l’hiver couvrirait ces plaines de montagnes de neige,