Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/335

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coup un petit miroir qui pendait à la ceinture de l’infortunée, présent que dans un moment de tendresse il lui avait fait lui-même comme un hommage rendu à sa beauté, et il le lui mit brusquement devant les yeux pour qu’elle y put voir sa figure basanée. Alors, faisant signe au vieillard de le suivre, il s’éloigna avec fierté en disant :

— Mahtoree est un grand chef ! quelle nation a jamais eu un aussi grand chef que les Dahcotahs ?

Il était déjà loin que Tachechana était encore à la même place, le corps immobile comme une statue ; mais ses traits, dont l’expression était naturellement douce et enjouée, indiquaient une agitation extraordinaire, comme si la lutte qui se livrait dans son cœur allait briser les liens qui unissaient son âme à cette partie plus matérielle dont la difformité lui était devenue si pénible, depuis que le contraste la lui avait fait sentir. Inez et Hélène ne connaissaient nullement le motif de l’entretien qu’elle venait d’avoir avec son époux, quoique l’esprit vif et perçant d’Hélène lui fît concevoir des soupçons qui n’entraient point dans l’âme simple et naïve de sa jeune compagne. Toutes deux néanmoins allaient s’approcher d’elle pour lui prodiguer ces soins affectueux qui semblent naturels aux femmes et qu’elles prodiguent avec tant de grâce, lorsque la cause qui les rendait nécessaires parut cesser tout à coup. Les convulsions qui agitaient les traits de la jeune indienne disparurent, et sa physionomie redevint calme et tranquille. Seulement, ce front que jusque alors la peine n’avait presque jamais effleuré, conservait encore les traces d’une douleur comprimés. Ces traces ne s’effacèrent jamais. Les saisons, les années se passèrent ; elle les porta dans toutes les vicissitudes de fortune que, dans les variations d’une vie sauvage, la jeune infortunée était condamnée à souffrir ; semblable à une plante délicate qui, frappée par un soleil trop ardent, ne peut jamais relever entièrement sa tige flétrie, mais conserve toujours un air de langueur.

Tachechana commença par se dépouiller de tous ces ornements grossiers, mais bien chers à ses yeux, que son mari s’était plu à lui prodiguer ; et d’un air doux, sans laisser échapper un murmure, elle les offrit à Inez comme un hommage rendu à sa beauté. Elle ôta les rangées de grains qui se jouaient en tresses compliquées autour de ses jambes. Les bracelets furent détachés de ses mains, le large bandeau d’argent de son front… Alors elle s’ar-