Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/343

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peine avait-il suivi pendant un mille le cours de la rivière, qu’il s’arrêta sur une hauteur où se trouvait réuni tout ce qui était nécessaire à sa troupe. Il y dressa de nouveau ses tentes, détela ses chevaux, les mena dans un bon pâturage au bas de la colline, fit en un mot tous les préparatifs ordinaires pour passer la nuit, avec le même calme et le même sang-froid que s’il ne venait pas de montrer les dents à ses dangereux voisins, et de braver leur ressentiment.

Pendant ce temps, les Tetons s’occupaient d’apprêts non moins importants. Une joie farouche et sauvage s’était répandue dans toutes les tentes, depuis l’instant où la nouvelle s’était répandue que le grand Mahtoree revenait avec le chef de leurs ennemis, ce chef qui était depuis si longtemps l’objet de leur haine et de leurs alarmes. Pendant des heures entières, les vieilles femmes de la tribu avaient été de loge en loge pour exciter l’animosité des guerriers, et étouffer en eux tout sentiment de pitié. À l’un elles parlaient d’un fils dont la chevelure séchait au foyer de la tente d’un Pawnie ; à l’autre elles rappelaient ses blessures, sa honte et sa défaite ; elles rallumaient dans l’âme d’un troisième la soif de la vengeance, en lui faisant l’énumération des chevaux et des fourrures qui lui avaient été enlevés ; et un quatrième agitait son tomahawk d’un air menaçant, au souvenir de quelque aventure malencontreuse, dans laquelle il avait joué un rôle peu honorable, et qu’elles savaient lui rappeler avec adresse.

Les guerriers, excités par les propos insidieux de ces mégères, s’étaient rassemblés de la manière que nous avons déjà rapportée ; mais il restait encore indécis jusqu’à quel point ils se proposaient de porter leur vengeance. Les opinions variaient beaucoup sur la question de savoir s’il était politique d’exécuter les prisonniers, et Mahtoree avait suspendu la discussion pour avoir le temps d’examiner l’effet que la mesure devait produire, et si elle serait favorable ou contraire à ses vues particulières. Jusque là, les consultations n’avaient été que préliminaires, chaque chef cherchant à calculer sur combien de guerriers il pourrait compter pour appuyer son opinion, avant que cette délibération importante fût soumise au conseil solennel de la tribu. L’instant fixé pour l’ouverture de ce conseil était arrivé, et les apprêts en furent faits avec une solennité proportionnée à l’importance de la cause pour laquelle il allait s’assembler.

Avec un raffinement de cruauté dont un Indien seul pouvait