Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/362

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vait être écorché. Les femmes l’accompagnaient de leurs cris farouches, et il n’y avait pas d’injures qu’elles n’inventassent pour tâcher d’émouvoir le Pawnie impassible, et pour l’exciter, à leur répondre. Mais il était évident qu’il se réservait pour les chefs, et pour ces moments d’angoisses où l’élévation de son âme pourrait se montrer d’une manière plus digne d’une réputation qui n’avait jamais souffert la moindre atteinte.

Les yeux du Trappeur suivaient tous les mouvements du tomahawk avec l’intérêt d’un véritable père, jusqu’à ce qu’enfin, incapable de réprimer son indignation, il s’écria :

— Mon fils a oublié son adresse. Cet Indien a l’âme basse, et il est facile de l’entraîner à faire une folie ; je ne puis m’en mêler personnellement, parce que mes traditions défendent à un guerrier mourant d’outrager ses persécuteurs ; mais les dons d’une Peau-Rouge sont différents. Que le Pawnie dise les paroles amères, et qu’il achète une mort facile. Je réponds du succès, pourvu qu’il parle avant que les chefs se mettent de la partie.

Le Sioux, qui entendit sa voix sans comprendre ce qu’il disait, se tourna de son côté, et le menaça de punir de mort à l’instant même sa témérité.

— Allez, allez, faites ce qu’il vous plaira, dit le vieillard sans sourciller ; je suis tout aussi prêt aujourd’hui que je le serai demain, quoique ce ne soit point la mort dont un honnête homme aimerait à mourir. Regardez ce noble Pawnie, Teton, et voyez ce dont est capable une Peau-Rouge qui craint le Maître de la Vie et qui suit ses lois. Combien de vos guerriers n’a-t-il pas envoyés dans les Prairies lointaines ! ajouta-t-il par une sorte de fraude pieuse, pensant que, tant que le danger le menaçait lui-même, il ne pouvait y avoir de mal à faire l’éloge de son jeune ami ; combien de Sioux n’a-t-il pas frappés comme un guerrier en bataille ouverte, tandis que les flèches volaient dans l’air en plus grand nombre que les flocons de la neige qui tombe ? Allez ! Wencha peut-il dire le nom d’un seul ennemi qui l’ait jamais frappé ?

— Cœur-Dur ! s’écria le Sioux en se retournant furieux, et en se préparant à asséner un coup mortel à sa victime. Son bras tomba dans le creux de la main du captif. Pendant un moment ils restèrent tous deux immobiles dans la même attitude, l’un étant comme paralysé par une résistance aussi inattendue, tandis que l’autre baissait la tête, non pour aller au-devant du coup, mais pour prêter l’attention la plus profonde. Les femmes poussèrent