Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/372

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d’avis sur la manière dont on doit nous traiter. Les uns nous craignent à cause de notre couleur et nous laisseraient volontiers partir, et les autres se préparent à nous montrer la pitié que le daim doit attendre du loup affamé. Lorsqu’il y a deux avis dans le conseil d’une tribu, il est rare que ce soit l’humanité qui l’emporte. À présent, voyez-vous ces squaws ridées et altérées de sang ? — Non, dans la position où vous êtes, vous ne sauriez les voir. — Mais elles n’en sont pas moins là, toutes prêtes, comme autant de louves enragées, à se jeter sur vous dès que le moment en sera venu.

— Écoutez, mon vieux camarade, dit Paul en l’interrompant avec un peu d’amertume ; est-ce pour notre plaisir ou pour le vôtre que vous venez nous rabâcher tout cela ? Si c’est pour le vôtre, gardez, je vous prie, votre haleine pour la première course que vous aurez à faire ; car, pour ma part, je ne suis nullement d’humeur à goûter vos plaisanteries.

— Paix ! dit le Trappeur, en coupant avec autant d’adresse que de rapidité la courroie qui attachait un des bras de Paul à son corps, et laissant couler en même temps son couteau dans la main qu’il venait de délivrer. Paix, enfant ! paix ! vous dis-je ; profitez de votre bonheur, et taisez-vous. Les cris qui viennent de retentir des bas-fonds ont attiré les yeux de ces furies d’un autre côté ; nous avons donc un instant à nous. Maintenant faites le reste ; mais de la prudence, jeune tête, et surtout prenez bien garde que personne ne vous voie.

— Grand merci du service, l’homme aux réflexions éternelles murmura le chasseur d’abeilles, quoiqu’il arrive comme la neige dans le mois de mai, un peu hors de saison.

— Insensé ! s’écria d’un ton de reproche le vieillard qui s’était retiré à quelque distance de ses amis, et qui semblait examiner attentivement les opérations des deux corps ennemis. — Et vous aussi, capitaine, quoique je ne sois pas d’un caractère à me formaliser sur de veines apparences, je vois que vous gardez le silence parce que vous dédaignez de demander un service à un homme qui vous paraît trop lent à vous le rendre. Sans doute vous êtes jeunes l’un et l’autre, et vous êtes tout pleins du sentiment de votre force et de votre courage ; j’ose dire que vous pensiez qu’il n’y avait qu’à couper les courroies pour que vous fussiez maîtres de la place. Mais celui qui a beaucoup vu sait qu’il est nécessaire de réfléchir longtemps. Si je m’étais mis à courir comme une