Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/395

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m’avait saisi, vous ne seriez pas ici pour être témoin de la manière dont Ismaël Bush rend la justice.

— N’abandonnez point vos bonnes résolutions, répondit Middleton, et si vous méditez quelque acte de violence contre aucun de nous, rappelez-vous que le bras de cette loi que vous affectez de mépriser atteint fort loin, et que, quoique ses mouvements soient quelquefois lents, ils n’en sont pas moins certains.

— Oui, oui, ce qu’il dit n’est que trop vrai, squatter, dit le Trappeur dont l’oreille attentive ne perdait jamais une syllabe de ce qui se disait en sa présence ; c’est un bras qui a fort à faire et qui est souvent assez incommode, même dans ce pays d’Amérique, quoique l’homme y soit libre de suivre en grande partie ses désirs, eu comparaison des autres contrées ; et grâce à ce privilège il est plus heureux, plus brave et plus honnête aussi, entendez-vous ? Savez-vous bien, mes amis, qu’il y a des régions où la loi va jusqu’à dire à chaque homme : Tu vivras ainsi, tu mourras de telle manière, et de telle autre manière tu prendras congé du monde avant de paraître devant le siège de justice du Seigneur. C’est une odieuse et déplorable perversité que de se mêler ainsi de la grande affaire de celui qui n’a pas fait ses créatures pour qu’elles fussent parquées comme des troupeaux, et traînées de plaine en plaine au gré de leurs stupides et égoïstes gardiens. Ce doit être un triste pays que celui où l’on garrotte l’âme aussi bien que le corps, et dans lequel les créatures du Seigneur sont tenues dans une éternelle enfance par les inventions perverses de ceux qui s’arrogent les droits du grand Gouverneur de tout l’univers.

Pendant que le vieillard tenait ce discours sensé, Ismaël garda un profond silence ; mais les regards qu’il jetait sur l’orateur annonçaient tout autre sentiment que celui de l’amitié. Quand le Trappeur eut fini, le squatter se tourna vers Middleton, et continua la conversation que l’autre avait interrompue.

— Quant à nous, jeune capitaine, il y a eu des torts des deux côtés. Si je vous ai blessé dans vos plus chères affections en enlevant votre femme avec l’honnête intention de vous la rendre dès que les vues de ce diable incarné auraient été remplies, vous vous êtes introduit dans mon camp en prêtant main-forte à ceux qui voulaient m’enlever mon bien.

— Mais je ne l’ai fait que pour rendre la liberté…

— Tout est arrangé entre nous, dit Ismaël en l’interrompant