Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/412

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— Femme, lui répondit-il sévèrement, quand nous pensions que ce pauvre Trappeur était coupable, vous ne parliez pas de miséricorde.

Esther ne répondit pas, mais, croisant les bras sur sa poitrine, elle resta quelques minutes pensive et silencieuse, puis elle jeta encore un regard inquiet sur la figure de son mari ; mais la colère et la vengeance y étaient cachées sous la plus froide apathie. Certaine alors que le sort de son frère était décidé, et sentant combien il avait mérité le châtiment qui se préparait pour lui, elle n’essaya plus d’intercéder en sa faveur. La conversation en resta là. Leurs yeux se rencontrèrent un instant, et alors, se levant tous deux, ils sacherminèrent en silence vers le camp. Le squatter trouva ses enfants qui l’attendaient avec leur insouciance ordinaire. Le bétail était déjà réuni en troupeau, les chevaux étaient attelés, et les enfants étaient remontés dans leurs chariots, tout était prêt enfin pour repartir, et la sauvage famille n’attendait plus que le retour de ses chefs.

— Abner, dit le père du ton délibéré qui caractérisait ordinairement ses ordres, tirez le frère de votre mère de son chariot et mettez-le à terre.

Abiram en sortit, tremblant il est vrai, mais loin d’avoir perdu tout espoir d’apaiser le juste ressentiment d’Ismaël. Après avoir jeté un regard autour de lui, dans le vain désir de trouver sur quelque figure une expression de pitié, il s’efforça d’étouffer les craintes qui reprenaient leur première violence, en tâchant d’établir une sorte de conversation amicale entre lui et le squatter.

— Les chevaux sont éreintés, frère, dit-il, et, après avoir fait une si longue marche, n’est-il pas temps de camper ? À mon avis, vous pourriez aller loin avant de trouver une place aussi convenable que celle-ci pour y passer la nuit.

— Je suis charmé qu’elle vous plaise, répondit le squatter, car il est probable que vous y resterez longtemps. — Mes fils, approchez et écoutez. — Abiram White, ajouta-t-il en ôtant son bonnet de fourrure, et d’un ton ferme et solennel qui donnait quelque chose d’imposant à ses traits lourds et grossiers ; vous avez assassiné mon premier-né, et d’après les lois de Dieu et des hommes, vous devez mourir.

Le coupable tressaillit en entendant cette affreuse sentence, saisi de la même terreur qu’un homme qui se trouverait inopinément dans les griffes d’un monstre de manière à ne pouvoir s’en