Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/416

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peu étouffée ; mais il n’en poursuivit pas moins son chemin.

Ce ne fut que lorsqu’il fut arrivé à l’endroit où il avait eu une conférence solennelle avec Esther, qu’il s’arrêta. C’étaient les limites de l’horizon, par rapport au rocher, et il hasarda alors un coup d’œil dans la direction qu’il venait de quitter. Le soleil était près de se plonger dans les plaines les plus éloignées, et ses derniers rayons éclairaient les branches dépouillées du saule. Tous les contours du rocher se dessinaient contre le firmament en feu, et il aperçut même le malheureux Abiram debout dans la même attitude où il l’avait laissé. Cette vue réveilla dans son cœur les sentiments qu’éprouve celui qui se voit séparé brusquement et pour toujours d’un ancien compagnon, et il descendit le monticule à pas plus précipités qu’il ne l’avait gravi.

À la distance d’un mille, le squatter rejoignit ses enfants. Ils avaient trouvé un endroit convenable pour y dresser leurs tentes, et ils n’attendaient que son arrivée pour savoir s’il approuverait leur choix. Quelques mots suffirent pour exprimer son assentiment. Tous les préparatifs se firent dans un silence plus général et plus remarquable que jamais. La voix d’Esther ne se fit pas entendre au milieu de ses marmots turbulents, ou si elle s’éleva quelquefois, ce ne fut que pour donner un léger avertissement, mais sans jamais monter à son diapason ordinaire.

Aucune question, aucune explication n’eut lieu entre le squatter et sa femme. Ce ne fut qu’au moment où Esther se retira dans sa tente pour coucher ses petits qu’Ismaël remarqua qu’elle jeta un regard furtif sur le bassinet de son fusil. Il dit à ses fils d’aller se livrer au repos, en leur déclarant que son intention était de veiller lui-même à la sûreté du camp. Lorsque tout fut tranquille, il sortit dans la Prairie, comme s’il trouvait qu’il ne respirait pas assez librement au milieu des tentes. La nuit était bien propre à ajouter encore aux sensations que les incidents de la journée avaient dû faire naître dans son âme.

Le vent s’était élevé au moment où la lune avait paru, et tels étaient parfois ses sifflements affreux, lorsque se déchaînent sur la Prairie il balayait tout sur son passage, que l’imagination n’avait pas beaucoup à faire pour se figurer que des sons étrangers et surnaturels se faisaient entendre au milieu des airs. Cédant à l’impulsion extraordinaire qui l’entraînait, le squatter jeta un regard autour de lui pour s’assurer que tout ce qui lui était cher reposait en sûreté, et alors il se dirigea vers le monticule dont