Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/440

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gage, suivant la personne à laquelle il s’adressait, et quelquefois même suivant les idées qu’il exprimait ; c’est un usage chez mon peuple que le père laisse sa bénédiction à son fils avant de fermer les yeux pour jamais. Cette bénédiction, je vous la donne ; prenez-la, car les prières d’un chrétien ne rendront jamais la route qui conduit le brave guerrier aux Prairies bienheureuses, ni plus longue, ni plus difficile. Puisse le Dieu des blancs jeter sur vous un regard bienveillant, et puissiez-vous ne jamais commettre une action qui le force à se voiler la figure ! Je ne sais si nous nous retrouverons jamais. Il y a plusieurs traditions sur ce qui concerne le séjour des bons esprits. Il ne m’appartient pas, tout vieux, tout expérimenté que je suis, de prétendre faire prévaloir mon opinion sur celle de toute une nation. Vous croyez aux Prairies bienheureuses, et moi j’ai toute confiance dans les traditions de mes pères. Si nous ne nous trompons ni les uns ni les autres, notre séparation sera éternelle ; mais s’il se trouvait que le même sens soit caché sous des paroles différentes, nous paraîtrons ensemble, Pawnie, devant votre Wahcondah, qui alors ne sera autre que mon Dieu. Il y a beaucoup à dire en faveur des deux religions ; car chacune d’elles semble faite pour le peuple qui la suit, et c’est sans doute ainsi qu’il l’a ordonné dans sa sagesse. Je crains de n’avoir pas mis bien à profit les dons de ma couleur, attendu que je trouve un peu pénible de renoncer pour jamais au maniement du fusil et aux plaisirs de la chasse ; mais la faute en est à moi, et non pas à lui. Eh bien ! Hector, ajouta-t-il en se penchant un peu et en cherchant les oreilles de son chien, l’instant de notre séparation est enfin arrivé, mon vieux, et ce sera une longue chasse. Tu as toujours été un bon, un brave et fidèle animal. Pawnie, vous n’immolerez pas cette pauvre bête sur ma tombe, car une fois mort, un chien chrétien ne se réveille plus ; mais quand je serai parti, vous aurez soin de lui, n’est-ce pas ? en souvenir de l’amitié que vous portiez à son maître.

— Les paroles de mon père sont dans mes oreilles, répondit le jeune chef en faisant un signe d’assentiment d’un air grave et respectueux.

— Entends-tu ce que le chef a promis, mon vieux ? demanda le Trappeur en faisant un effort pour attirer l’attention de l’effigie insensible de son chien. Voyant qu’il ne levait pas la tête pour le regarder, qu’il ne poussait aucun gémissement d’amitié pour lui répondre, le vieillard chercha la gueule de son vieil ami, et s’ef-