Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/107

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du corps humain pendant un temps où, se trouvant sans rien qui le protége au moral, il est exposé aux attaques de tous les maux auxquels la chair est sujette, ait exposé les Américains aux sarcasmes de leurs frères d’Europe. Nous ne sommes pas de ceux qui ont le moins de reconnaissance pour ces philanthropes étrangers qui prennent à nous un si vif intérêt, qu’ils laissent rarement passer la moindre faiblesse républicaine, sans y appliquer le caustique de leur plume purifiant. Nous sommes peut-être d’autant plus sensibles à cette générosité, que nous avons eu beaucoup d’occasions de remarquer qu’ils ont tant de zèle pour nos États dans l’enfance, — robustes pourtant, et peut-être un peu difficiles à conduire, mais néanmoins encore dans l’enfance, — que, dans leur ardeur pour corriger les fautes d’une nation cisatlantique, ils ont coutume de négliger un assez grand nombre de leurs propres erreurs. Par exemple, la mère-patrie nous a envoyé des missionnaires moraux sans nombre, dans ce motif plein de bienveillance et de piété, et nous ne pouvons que regretter que leurs efforts aient été couronnés de si peu de succès. Le hasard nous a mis en relation avec un de ces dignes personnages qui ne perdait jamais l’occasion de déclamer par-dessus tout contre l’infâme coutume dont nous venons de parler. Il portait si loin ses principes à cet égard, qu’il regardait non seulement comme immoral, mais, ce qui est encore bien pire, comme bas et grossier, de prendre quelque breuvage plus fort que de la petite bière avant l’heure fixée pour le dîner. Ce moment important étant arrivé, non seulement il permettait qu’on dédommageât la chair des mortifications préalables qu’elle avait éprouvées, mais il se montrait lui-même si libéral dans cette indulgence orthodoxe, qu’il fallait régulièrement le porter dans son lit à minuit, et il s’en levait aussi régulièrement le lendemain matin pour discourir sur l’énormité de la faute que commettaient ceux qui buvaient trop tôt dans la matinée. Et ici qu’il nous soit permis de saisir cette occasion pour déclarer, qu’en ce qui concerne notre insignifiante personne, nous fuyons complètement cette abomination ; nous regrettons seulement que les individus des deux nations qui trouvent quelque plaisir à la mettre en pratique ne puissent en venir à quelque arrangement amiable pour tirer l’époque précise des vingt-quatre heures où il est permis aux bons chrétiens qui parlent anglais de s’enivrer. Que les négociateurs qui ont rédigé le dernier traité d’amitié aient oublié ce point moral important, c’est une nouvelle