Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/118

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t-elle, et il est tout-à-fait inconcevable que mon agent ait négligé d’en faire mention. Y a-t-il quelque autre inconvénient, monsieur, qui vous frappe les yeux à cette distance, et que vous regardiez comme devant alarmer ?

— Je n’en vois que trop, madame. Vous pouvez remarquer que les clés de ces mâts de perroquet sont passées en arrière, et qu’aucune de ces hautes voiles n’est déployée. Ensuite on a fait dépendre de ses sous-barbes et de ses liures la sûreté d’une partie très importante du navire, le beaupré.

— Cela n’est que trop vrai ! s’écria Mrs de Lacey avec une sorte d’horreur, cela n’est que trop vrai ! Ces défauts m’avaient échappé ; mais à présent que vous m’en parlez, ils me frappent les yeux. C’est une négligence on ne peut plus coupable. Compter sur les sous-barbes et les liures pour la sûreté d’un beaupré ! En vérité, Mrs Wyllys, je ne puis consentir que ma nièce s’embarque à bord d’un tel navire.

L’œil calme et perçant de la gouvernante avait été fixé sur les traits de Wilder pendant qu’il parlait, et elle le tourna alors vers la veuve du contre-amiral avec la même sérénité.

— Le danger est peut-être un peu exagéré, lui dit-elle. Demandons à cet autre marin ce qu’il en pense.

— Dites-nous, l’ami, croyez-vous que nous ayons à craindre des dangers aussi sérieux en nous confiant à ce bâtiment, à cette époque de l’année, pour passer à la Caroline ?

— Seigneur ! madame, répondit le marin à tête grise en souriant avec un air de dérision, ce sont des défauts et des inconvéniens de nouvelle invention, si ce sont véritablement des inconvéniens et des défauts. On n’entendait jamais parler de tout cela de mon temps, et j’avoue que je suis assez stupide pour ne pas comprendre la moitié de ce que ce jeune homme vient de dire.

— Je présume, vieillard, qu’il y a quelque temps que vous n’avez été sur mer ? dit Wilder froidement.

— Il y a cinq à six ans depuis la dernière fois, répondit le vieux marin, et cinquante depuis la première.

— Ainsi vous ne voyez pas les mêmes motifs de crainte ? lui demanda encore Mrs Wyllys.

— Tout vieux et tout usé que je suis, madame, si le capitaine voulait me donner de l’emploi sur son bord, je l’en remercierais comme d’une faveur.

— La misère cherche du soulagement, n’importe de quelle ma-