Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/21

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fameux Corsaire Rouge, si long-temps poursuivi, traîné dans ce même port, à la remorque d’un vaisseau du roi.

— C’est donc un coquin enragé que celui dont vous parlez ?

— Lui ! il y en a plus d’un dans ce vaisseau de contrebande, et ce sont tous des brigands altérés de sang et de rapines, jusqu’au dernier des mousses de l’équipage. C’est un véritable chagrin, une vraie désolation, Pardy, d’entendre le récit de leurs méfaits sur les terres du roi !

— J’ai souvent ouï parler du Corsaire, répondit le paysan, mais jamais on n’est entré avec moi dans les détails compliqués de ses pirateries.

— Comment pourriez-vous, jeune homme, vous qui vivez dans l’intérieur des terres, connaître ce qui se passe sur le vaste océan, aussi bien que nous qui habitons un port si fréquenté par les marins ? Je crains que vous ne rentriez tard chez vous, Pardon, ajouta-t-il en jetant les yeux sur certaines lignes tracées sur les planches de sa boutique, à l’aide desquelles il savait calculer la marche du soleil ; cinq heures vont sonner, et vous avez deux fois ce nombre de milles à faire avant de pouvoir, — moralement parlant, atteindre le point le plus voisin de la ferme de votre père.

— La route est facile et le peuple honnête, répondit le paysan, qui ne s’inquiétait pas qu’il fût minuit, pourvu qu’il pût porter le récit de quelques terribles vols sur mer aux oreilles de ceux qui, comme il le savait bien, se presseraient autour de lui à son retour pour apprendre des nouvelles du port.

— Et est-il en effet aussi craint et aussi recherché que le peuple le dit ?

— Recherché ! Tophet est-il recherché par les chrétiens en prière ? Il y a peu de marins sur le vaste océan, fussent-ils aussi braves à la guerre que l’était Josué, le grand capitaine juif, qui n’aimassent mieux voir la terre que les voiles de ce maudit pirate. Les hommes combattent pour la gloire, Pardon, comme je puis dire l’avoir vu, après avoir traversé tant de guerres, mais personne n’aime à rencontrer un ennemi qui de prime abord hisse un étendard sanglant, et qui est prêt à faire sauter en l’air amis et ennemis, s’il vient à trouver que le bras de Satan n’est pas assez long pour le secourir.

— Si le coquin est si enragé, reprit le jeune homme redressant ses membres vigoureux d’un air d’orgueil, pourquoi l’île et ses