Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/214

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comme une curiosité, l’emplacement de sa puissance déchue, de même que les ruines d’une cité dans un désert.

Tous les événemens de la journée dont nous parlons en ce moment tendaient à donner l’éveil aux sentimens de superstition secrète de ces marins. Nous avons déjà dit que l’accident arrivé à leur ancien commandant, et la manière dont un étranger avait succédé à son autorité, avaient eu quelque influence pour augmenter leurs dispositions à la méfiance. La voile sous le vent parut fort mal à propos pour la réputation de notre aventurier qui n’avait pas encore eu assez d’occasions pour s’assurer la confiance de son équipage, avant que cette dernière circonstance fût venue malheureusement menacer de l’en priver pour toujours.

Nous n’avons eu qu’une occasion de présenter à nos lecteurs le marin qui remplissait les fonctions de second lieutenant sur la Royale Caroline. Il se nommait Knighthead nom qui indiquait assez bien un certain brouillard obscur qui entourait toujours la partie supérieure de son corps. On peut apprécier les facultés de son esprit par quelques réflexions qu’il jugea à propos de faire à Wilder relativement à la disparition subite du vieux marin sur lequel notre aventurier voulait faire tomber une partie de son indignation. Cet individu n’étant que d’un degré au-dessus des matelots composant l’équipage, semblait fait à tous égards pour entretenir ces relations qui, jusqu’à un certain point, étaient nécessaires entre eux. Son influence était proportionnée aux occasions qu’il avait de se trouver en leur compagnie, et ses opinions étaient écoutées en général avec une partie de ce respect qu’on croit devoir aux paroles prononcées par un oracle.

Lorsque le bâtiment eut été mis sous toutes ses voiles, et pendant que Wilder, dans le dessein de perdre de vue le vaisseau trop voisin qui l’inquiétait, employait tous les moyens possibles pour en accélérer la marche à travers les vagues, ce marin ignorant et entêté était sur l’embelle du navire, entouré de quelques-uns des matelots les plus vieux et les plus expérimentés, causant avec eux de l’étrange apparition qui se montrait sous le vent, et de la manière extraordinaire dont le commandant inconnu jugeait à propos d’éprouver ce que leur propre bâtiment était en état de supporter. Nous commencerons la relation de cet entretien à l’instant où Knighthead crut pouvoir abandonner les insinuations indirectes pour marcher en ligne droite vers le point dont il s’agissait dans cette discussion.