Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/217

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— Oui, et c’est là que gît toute la diablerie de l’affaire ; il a bonne mine, j’en conviens ; mais ce n’est pas une de ces bonnes mines qui plaisent à un Anglais ; il y a en lui un air de réflexion qui me déplaît, car je n’ai jamais aimé trop de réflexion sur la figure d’un homme, vu qu’il n’est pas toujours facile de savoir ce qu’il a dans l’âme. Ensuite cet étranger parvient à se faire nommer maître de ce vaisseau, ou ce qui est la même chose, le second du maître, tandis que celui qui devrait être sur le pont à donner ses ordres, dans un moment comme celui-ci, est étendu là-bas, hors d’état de virer de bord lui-même, et encore moins de faire faire pareille manœuvre au navire ; et cependant personne ne sait comment cela est arrivé.

— Il a fait un marché avec le consignataire pour cette place, et le rusé commerçant a paru assez content de trouver un jeune homme si entendu pour conduire la Caroline.

— Ah ! un commerçant est ce que nous sommes tous ; il n’est fait de rien de mieux que d’argile, et ce qui est encore pire, il est rare que pour la pétrir on l’ait détrempée avec de l’eau salée. Il y a plus d’un commerçant qui a ôté ses lunettes et fermé ses registres de comptes pour faire une marche de côté afin de devancer et tromper son voisin, et qui, en revenant, a trouvé qu’il s’était trompé lui-même. M. Ball a sans doute cru faire une bonne chose pour ses armateurs en mettant à bord ce M. Wilder ; mais il ne savait peut-être pas que le vaisseau était vendu au… Mais il convient à un franc marin de respecter tous ceux sous les ordres desquels il fait voile ; ainsi je ne nommerai pas celui qui, à ce que je crois, a acquis sur ce vaisseau des droits qui ne sont pas minces, soit par un marché légal, soit autrement.

— Mais comment a-t-il manié la Caroline ce matin même ! je n’ai jamais vu de navire tiré d’affaire plus promptement.

Knighthead se mit à rire dans sa barbe, ce qui parut à ses auditeurs vouloir dire beaucoup de choses.

— Quand un vaisseau à une certaine sorte de capitaine, on ne doit s’étonner de rien, dit-il après s’être suffisamment livré à son rire significatif. Quant à moi, j’ai monté ce navire pour aller de Bristol à la Caroline et à la Jamaïque, touchant à Newport en allant et en revenant, et je dirai hardiment que je n’ai nulle envie d’aller ailleurs. Quant à faire reculer la Royale Caroline de sa mauvaise position près du négrier, la manœuvre a été bien faite, beaucoup trop bien pour un si jeune marin. Quand je l’au-