Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cieux et dans une attente profonde, et tantôt sur les sombres cordages flottant au-dessus de sa tête, comme autant de pinceaux qui traçaient leurs contours fantastiques sur les nuages épais qui pesaient au-dessus.

— Placez en carré les vergues d’arrière, dit-il d’une voix qui fut entendue de tous ceux qui étaient sur le tillac, quoiqu’il l’élevât à peine au-dessus du diapason ordinaire. Le craquement même du bois, tandis que les antennes s’avançaient lentement et avec pesanteur vers la position indiquée, ajoutait au caractère imposant de cette scène, et retentissait aux oreilles des matelots comme de lugubres pronostics. — Mettez les basses voiles sur les cargues ! ajouta Wilder après un court intervalle de réflexion, et avec ce même calme qui était si propre à faire impression. Alors, jetant un autre coup d’œil sur l’horizon menaçant, il ajouta avec force : Ferlez-les !

— Ferlez-les, ferlez-les toutes les deux à la fois ; allons, montez, main avant, continua-t-il en élevant de plus en plus la voix ; ferlez-les ! Allons, courage, enfans, courage !

Les marins dociles se laissaient diriger par la voix de leur commandant. En un instant on vit une vingtaine de matelots s’élancer aux agrès, s’y cramponner comme autant de singes, et, la minute d’après, annuler l’action des vastes et énormes volumes de toile en les attachant en rouleaux serrés à leurs antennes respectives. Les marins descendirent aussi rapidement qu’ils étaient montés, et il y eut de nouveau un intervalle de morne silence. En ce moment la flamme d’une lumière serait montée perpendiculairement jusqu’aux cieux. Le vaisseau, n’étant plus secondé par l’utile influence du vent, roulait lourdement en travers des lames qui commençaient cependant à s’abaisser davantage de moment en moment, comme si l’élément étonné rappelait dans l’asile tranquille de son vaste sein celles de ses parties auxquelles il venait de permettre de se répandre avec tant de fureur sur sa surface. L’eau baignait tristement le flanc du vaisseau, ou, lorsque le navire se relevait avec peine après s’être enfoncé dans les profondeurs des vagues, elle retombait du tillac sur l’océan en formant une foule de petites cascades brillantes. La teinte toujours changeante des cieux, le bruit toujours renouvelé des eaux, l’expression d’inquiétude et d’anxiété de toutes les figures qu’on apercevait, tout concourait à faire sentir dans quelle crise on se trou-