Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/247

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les paroles n’étaient point nécessaires pour faire connaître une partie essentielle de leur décision, car quelques marins s’occupèrent sans retard à mettre à la mer la pinasse de la poupe, tandis que d’autres travaillaient à y transporter les provisions nécessaires.

— Tous les chrétiens qui sont à bord du vaisseau trouveront place dans cette pinasse, dit Knighthead, et quant à ceux qui placent leur confiance en de certaines personnes, en bien, qu’ils appellent à leur aide ceux qui ont coutume de les seconder.

— Je dois donc conclure de là, dit Wilder avec calme, que vous êtes dans l’intention d’abandonner ce vaisseau ainsi que votre devoir ?

Le lieutenant à demi intimidé, mais toujours plein de ressentiment, lui jeta un regard dans l’expression duquel la crainte le disputait à l’orgueil du triomphe ; enfin il répondit :

— Vous qui savez faire voguer un vaisseau sans l’aide de l’équipage, qu’avez-vous donc besoin de barque ? Au reste, vous ne pourrez jamais dire à vos amis, quels qu’ils soient, que nous vous laissons sans moyens de gagner la terre, si, au bout du compte, c’est de la terre que vous êtes habitant ; il vous reste la chaloupe.

— La chaloupe !… mais vous savez bien que sans mât tous vos efforts réunis ne pourraient la soulever du tillac, autrement on ne l’y laisserait pas.

— Ceux qui ont enlevé les mâts de la Caroline pourront bien les replacer, répondit un matelot en grimaçant. Nous ne vous aurons pas quitté d’une heure, qu’une main invisible redressera vos espars, et vous ne manquerez pas alors de compagnons de voyage.

Wilder parut dédaigner de répondre. Il se mit à se promener à pas lents sur le tillac, pensif, il est vrai, mais toujours calme et de sang-froid. Pendant ce temps, comme tous les matelots brûlaient du même désir de quitter au plus tôt le bâtiment, les préparatifs avancèrent avec une activité incroyable. Les deux femmes surprises et alarmées avaient eu à peine le temps de bien envisager la situation extraordinaire dans laquelle elles se trouvaient, quand elles virent transporter sur la pinasse le maître qui s’était si malheureusement blessé ; l’instant d’après on les appela pour qu’elles vinssent prendre place à côté de lui.

L’instant critique était arrivé, et elles commencèrent à sentir