Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/279

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côté, les fréquens regards que jetaient en haut les hommes qui s’étaient rassemblés sur le tillac et au pied du grand mât annonçaient assez avec quelle défiance les novices allaient entrer dans la lutte qui était sur le point de commencer. Les marins plus aguerris, qui s’étaient placés en avant, restaient fermes à leur poste dans une attitude calme qui prouvait évidemment qu’ils se fiaient à leur force physique, et qu’ils étaient familiarisés depuis long-temps avec les jeux comme avec les dangers de l’océan.

Il y avait un autre petit groupe d’hommes qui se rassemblèrent, au milieu des clameurs et de la confusion générale, avec un ordre et un empressement qui montraient à la fois qu’ils sentaient toute la nécessité de s’unir dans la circonstance actuelle, et qu’ils étaient habitués à agir de concert. C’était la troupe guerrière et si bien disciplinée du général, entre laquelle et les matelots plus guindés il existait une antipathie qu’on pourrait presque appeler d’instinct, et qui surtout, par des raisons faciles à sentir, avait été si fortement encouragée sur le vaisseau dont nous parlons, qu’elle s’était souvent manifestée par des querelles tumultueuses et souvent même par des espèces de combats. Ils pouvaient être une vingtaine ; ils se réunirent promptement, et quoiqu’ils fussent obligés de déposer leurs armes à feu avant de venir prendre part à l’amusement général, il y avait sur le visage de chacun de ces héros à moustaches une expression sombre qui montrait avec quel plaisir il en appellerait à la baïonnette suspendue sur son épaule, si la nécessité le demandait. Leur commandant lui-même se retira avec le reste de ses officiers sur le gaillard d’arrière, pour ne point gêner par leur présence les jeux et les manœuvres de ceux à qui ils avaient abandonné le reste du vaisseau.

Une couple de minutes s’étaient écoulées pendant les divers mouvemens que nous venons de rapporter ; mais aussitôt que les matelots grimpés sur les mâts furent sûrs qu’aucun malheureux traîneur de leur bord n’était à la portée du ressentiment des différens groupes placés sur le tillac, ils se mirent à obéir littéralement à l’appel du contre-maître en commençant leurs farces.

Un certain nombre de sceaux de cuir, dont la plupart avaient été préparés en cas d’incendie, furent bientôt suspendus à autant de palans à l’extrémité extérieure des différentes vergues qui s’abaissaient vers la mer. En dépit de l’opposition maladroite des matelots d’en bas, ces sceaux furent bientôt remplis, et dans les mains de ceux qui les avaient descendus. Plus d’un waister qui