Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/280

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regardait cet apprêt la bouche béante ; plus d’un raide soldat de marine fit alors avec l’élément sur lequel il flottait une connaissance plus intime qu’il ne convenait à son humeur. Tant que ces attaques burlesques se bornèrent à ces individus qui n’étaient encore qu’à demi initiés aux mystères, les matelots des mâts jouirent impunément du succès de leur ruse ; mais dès l’instant que la dignité d’un aide-canonnier n’eut pas été respectée, toute la troupe des officiers inférieurs et des hommes du gaillard d’avant se leva en masse pour venger cette insulte, avec une promptitude et une dextérité qui prouvaient combien les vieux marins connaissaient à fond tout ce qui était du ressort de leur profession. Une petite pompe fut placée en tête, et dirigée contre le mât le plus voisin comme une batterie placée avec art pour nettoyer le champ de bataille. Les hommes des mâts se dispersèrent bientôt en riant aux éclats, les uns montant assez pour être hors de la portée de la pompe, d’autres se retirant sur la hune voisine, et s’élançant de cordage en cordage à une hauteur excessive, qui eût semblé impraticable à tout animal moins agile qu’un écureuil. Les matelots triomphans et malins invitèrent alors les soldats de marine à profiter de leur avantage. Trempés jusqu’aux os et animés par le désir de la vengeance, une demi-douzaine de soldats, conduits par un caporal dont la tignasse poudrée avait été changée en une espèce de pâte par le contact trop intime qui avait eu lieu entre elle et un seau rempli d’eau, essayèrent de monter aux agrès, exploit beaucoup plus difficile pour eux que d’aller à la brèche. Les aides-canonniers et les quartiers-maîtres malins les excitaient à cette entreprise, et Nightingale et ses aides, tout en roulant leur langue dans leur bouche pour se gonfler les joues ; faisaient entendre en sifflant les mots encourageans de : — Allons, en haut, courage ! La vue de ces soldats grimpant lentement et avec précaution sur les agrès fit sur les matelots des mâts le même effet que l’approche d’autant de mouches dans le voisinage immédiat d’une toile d’araignée produit sur leur ennemi caché et rapace. Ceux-ci reconnurent aux regards expressifs que leurs camarades leur lançaient d’en bas, qu’un soldat devait être regardé comme un gibier qu’on pouvait plumer en toute sûreté de conscience. À peine donc le dernier de la troupe se fut-il pris comme il faut dans les filets, que vingt d’entre eux se précipitèrent du haut de la hune pour s’assurer de leur proie. En moins de temps qu’on ne pourrait se le figurer, cet important résultat fut