Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/311

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les drôles de ma clémence ? Ai-je bien fait d’en montrer, ou dois-je demain matin parler de châtiment ?

— Le mieux est que les choses restent comme elles sont, monsieur. On sait que vous avez bonne mémoire, et l’on parle déjà du danger d’ajouter un autre grief à celui qu’ils sentent que vous n’avez pas oublié. Il y a le capitaine du gaillard d’avant qui est un peu aigre, comme à son ordinaire, mais surtout cette fois, à cause du coup de poing vigoureux qu’il a reçu du nègre.

— Oui, il est toujours turbulent ; il faudra un jour ou l’autre en finir avec le drôle.

— Il sera facile de l’employer au service des barques, monsieur, et l’équipage du vaisseau ne se trouvera que mieux de son absence.

— Bien, bien ; il suffit, interrompit le Corsaire avec un peu d’impatience, comme s’il trouvait que son compagnon était encore trop nouvellement initié, pour qu’il lui laissât voir trop à découvert la politique de son gouvernement. Je verrai ce que j’aurai à faire à son égard. — Si je ne me trompe, drôle, vous avez ajouté à votre rôle aujourd’hui, et vous avez été un peu trop loin pour exciter le trouble et la discorde.

— J’espère que votre honneur se rappellera que l’équipage avait reçu l’ordre formel de faire des farces ; d’ailleurs, il ne pouvait pas y avoir grand mal à laver les cheveux poudrés de quelques soldats de marine.

— Oui, mais vous avez continué après que votre officier avait jugé à propos d’interposer son autorité. Soyez plus circonspect à l’avenir, de peur que le jeu des acteurs ne devienne par trop naturel, et que vous n’obteniez un genre de succès dont vous ne seriez nullement flatté.

Cet homme promit d’être prudent et de se corriger, et il fut ensuite congédié, après avoir reçu une bonne récompense et l’injonction de ne faire aucun bruit en se retirant. Dès que l’entrevue fut finie, le Corsaire et Wilder recommencèrent leur promenade, après que le premier se fut assuré que personne n’avait été à portée d’entendre son entretien mystérieux avec l’espion. Il se fit de nouveau un long et profond silence, pendant lequel ils restèrent livrés à leurs pensées.

— De bonnes oreilles, reprit le Corsaire, sont presque aussi importantes, dans un vaisseau comme celui-ci, qu’un cœur ferme et courageux. Il ne faut pas permettre ces drôles des entre-ponts