Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/326

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sommeil ne sera-t-il pas un peu troublé, après ce qui s’est passé ?

— Le sommeil fuit rarement l’innocence.

— Il y a un saint et impénétrable mystère dans cette vérité, — l’innocent repose la tête en paix ! Plût à Dieu que le coupable pût trouver quelque refuge aussi contre les remords poignans ! Mais nous vivons dans un monde et dans un temps où l’on ne peut être sur de soi-même.

Il se tut, et regarda autour de lui avec un sourire si hagard que la gouvernante inquiète se rapprocha involontairement de sa pupille, comme pour la protéger et pour chercher en même temps un abri contre les attaques imprévues d’un homme en démence. Le Corsaire cependant garda si long-temps le silence, qu’elle sentit la nécessité de faire cesser l’embarras de leur situation en parlant la première.

— M. Wilder est-il aussi disposé que vous à la clémence ? demanda-t-elle. Il y aurait du mérite de sa part à être indulgent, après avoir paru être l’objet particulier de la rage des mutins.

— Et cependant vous avez vu qu’il n’était pas sans amis. Vous avez été témoin du dévouement des deux hommes qui se sont présentés pour le défendre.

— Oui, et je trouve remarquable qu’il ait pu, en aussi peu de temps, s’attacher à ce point des êtres d’un naturel aussi farouche.

— Vingt-quatre ans ne font pas une connaissance d’un jour.

— Et leur amitié date-t-elle de si loin ?

— Je les ai entendus parler de ce temps. Il est certain que ce jeune homme leur est uni par quelque lien extraordinaire ; peut-être n’est-ce pas le premier service qu’ils lui rendent.

Mrs Wyllys parut affligée. Quoique préparée à croire que Wilder était un agent secret du Corsaire, elle s’était efforcée d’espérer que sa liaison avec les flibustiers était susceptible de quelque explication plus favorable pour son caractère ; bien qu’il fût complice du crime de ceux qui s’étaient attachés à la fortune de ce vaisseau proscrit, il était évident qu’il avait un cœur trop généreux pour désirer de la voir, ainsi que sa jeune et innocente compagne, victime de la licence de ses compagnons. Ses avertissemens répétés et mystérieux n’avaient plus besoin d’explication. Tout ce qui lui avait semblé obscur et inexplicable dans les con-