Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/330

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Quoique surprise et intérieurement alarmée de cette demande, Mrs Wyllys fit ce qu’il désirait, et rendit le langage des saintes écritures avec une ferveur que soutenait la force de ses propres émotions. Son auditeur l’écoutait avec une sorte d’extase. Pendant près d’une minute il conserva la même attitude, debout aux pieds de celle qui avait défendu avec tant de force et de simplicité la majesté de Dieu, restant aussi immobile que le mât de son vaisseau qui s’élevait derrière lui. Ce ne fut que long-temps après que ces accens eurent cessé de se faire entendre à son oreille, qu’il poussa un profond soupir, et reprit de nouveau la parole.

— Ce serait recommencer la vie sur nouveaux frais, dit-il en laissant tomber sa main sur celle de sa compagne. Je ne sais comment il se fait qu’un pouls qui est ordinairement comme du fer est maintenant si agité et si irrégulier. Madame, cette main faible et délicate pourrait dompter un caractère qui a si souvent bravé la puissance de…

Il s’arrêta tout à coup ; car ses yeux, en suivant machinalement le mouvement de sa main, s’arrêtèrent sur celle de la gouvernante, qui conservait encore de la délicatesse, mais qui n’avait plus la fraîcheur de la jeunesse. Poussant un soupir, comme quelqu’un qui sort d’un rêve agréable, il se détourna sans achever la phrase qu’il avait commencée.

— Vous voulez entendre de la musique, s’écria-t-il tout à coup d’un air d’insouciance, en bien ! je vais vous satisfaire, et la symphonie sera exécutée sur un gong !

En parlant ainsi il tira trois sons de l’instrument qu’il venait de nommer, avec tant de vivacité et de force que l’écho qu’ils produisirent étouffa toute autre sensation. Bien que profondément mortifiée de le voir si promptement échapper à l’influence qu’elle avait acquise en partie sur lui, et secrètement mécontente de la manière peu cérémonieuse dont il avait cru devoir annoncer qu’il reprenait son indépendance, la gouvernante jugea à propos de cacher le sentiment qu’elle éprouvait.

— Ce n’est certainement pas là l’harmonie dont je voulais parler, dit-elle dès que ces sons bruyans eurent cessé de remplir le vaisseau, et je ne crois pas qu’elle soit de nature à favoriser le sommeil de ceux qui ont envie de dormir.

— Ne craignez rien pour eux. Le marin dort au bruit du canon, et il s’éveille au coup du sifflet du contre-maître. Il est trop formé à ses habitudes pour croire avoir entendu autre chose que