Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/333

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Semblait suspendre sa carrière
Pour y demeurer plus long-temps.

Des milliers de jeunes compagnes
Courent maintenant dans ces bois,
Et font ralentir ces montagnes
Des naïfs accens de leurs voix.

Tandis que volant autour d’elles.
Des amours un essaim joyeux,
En battant doucement des ailes,
Du climat tempèrent les feux.

C’est là, dit-on, que l’Espérance…


— Assez, Roderick, interrompit son maître avec impatience ; cette chanson sent trop le Corydon pour plaire à un marin. Chante-nous quelque chose sur la mer et ses plaisirs, et donne à ta voix l’accent qui convient au matelot.

Le jeune homme resta muet, peut-être parce qu’il ne se sentait pas d’humeur à faire ce qui lui était ordonné, peut-être parce que cela lui était impossible.

— Eh quoi ! Roderick, ta muse t’abandonne-t-elle ? ou bien perds-tu la mémoire ? Vous voyez que cet enfant ne chante que ce qu’il veut, et que ses chants doivent célébrer l’amour et l’éclat du soleil ; autrement il se tait. — Allons, mes amis, faites entendre de plus mâles accords, tandis que je vais essayer une chanson de marin pour l’honneur du vaisseau.

Les musiciens firent ce que leur maître leur ordonnait, et exécutèrent une symphonie forte et gracieuse, pour préparer les auditeurs au chant du Corsaire. Les inflexions variées, les modulations séduisantes qu’il donnait si souvent à sa voix lorsqu’il parlait en avaient déjà révélé la beauté. Elle était à la fois riche, pleine, forte et mélodieuse. Joignant à ces avantages matériels une oreille excellente, il chanta les couplets suivans avec un singulier mélange de folle gaîté et de sensibilité profonde. Les paroles étaient probablement de sa façon, car elles semblaient porter l’empreinte de sa profession, et, jusqu’à un certain point, de son caractère :


Il faut lever l’ancre et partir !

Au bruit du cabestan qu’on tourne avec courage,
Au son joyeux du fifre appelant l’équipage,

Voyez les marins tressaillir !

Les cris des matelots se mêlent, se confondent,
Du haut des mâts dressés les mousses leur répondent :

Il faut lever l’ancre et partir !