Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/366

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— Eh bien ! il changera de maître. Par le Ciel, il sera à moi !

Wilder secoua la tête, se contentant de répondre par un sourire d’incrédulité.

— Vous en doutez ? reprit le Corsaire. Venez ici, et regardez sur ce pont. Celui que vous avez si récemment quitté a-t-il à ses ordres des hommes tels que ceux-ci, prêts à faire tout ce qu’il leur commande ?

L’équipage du Dauphin avait été choisi par un homme qui comprenait parfaitement le caractère du marin, parmi tous les différens peuples du monde chrétien. Il n’y avait pas une nation maritime de l’Europe qui n’y eût son représentant. Le descendant des anciens possesseurs de l’Amérique s’était décidé lui-même à abandonner les habitudes et les opinions de ses aïeux, pour errer sur cet élément qui avait baigné pendant des siècles les rivages de sa patrie, sans que ses ancêtres, dans leur simplicité, eussent jamais eu le désir de chercher à en pénétrer les mystères. Tous avaient déjà fait leur apprentissage, et la vie aventureuse qu’ils avaient toujours menée les rendait propres à l’état terrible qu’ils avaient embrassé. Dirigés par l’esprit qui avait su obtenir et conserver sur eux un ascendant despotique, ils formaient réellement un équipage très dangereux, et auquel (eu égard à leur nombre) il était impossible de résister. Leur commandant sourit de plaisir en voyant l’air dont son compagnon contemplait l’indifférence ou la joie farouche que la plupart d’entre eux montraient à l’aspect d’un combat. Même les plus novices de la troupe, les waisters les moins aguerris semblaient aussi sûrs de la victoire que ceux dont l’audace était justifiée par leurs nombreux et constans succès.

— Comptez-vous ces hommes-là pour rien ? demanda le Corsaire à son lieutenant, après lui avoir laissé le temps d’embrasser de l’œil cette bande terrible. Voyez, voici un Danois, aussi solide et aussi inébranlable que le canon auprès duquel je le placerai tout à l’heure. On peut lui couper tous les membres l’un après l’autre, il n’en restera pas moins ferme comme une tour, jusqu’à ce qu’on ait sapé l’édifice dans ses derniers fondemens. Les deux qui sont auprès de lui sont un Russe et un Suédois : ils serviront avec lui la même pièce, et elle ne se taira pas, j’en réponds, tant qu’il en restera un pour y mettre le feu ou tenir l’écouvillon. Cet homme aux formes carrées et athlétiques est un marin des villes hanséatiques. Il préfère notre liberté à celle dont