Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/381

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le nom d’un vaisseau au service du roi qu’il savait être de la force et de la grandeur de son bâtiment.

— Oui, oui, répondit une voix partant de l’autre navire, c’était ce que j’avais reconnu à vos signaux.

Le Dauphin prononça le qui vive à son tour, on y répondit en disant le nom du croiseur royal, et cette réponse fut suivie d’une invitation de son commandant au capitaine du Dauphin de venir voir son supérieur.

Jusque-là il ne s’était rien passé qui ne fût d’usage entre marins de la même nation ; mais l’affaire arrivait rapidement au point où il semblait bien difficile de pousser plus loin la ruse. Cependant l’œil attentif de Wilder ne découvrit aucun indice de doute ou d’indécision dans les manières de son chef. Un roulement de tambour à bord du croiseur annonça la retraite et la permission accordée aux gens de l’équipage de quitter le poste où ils avaient été placés pour le combat. Avec un sang-froid imperturbable, le Corsaire donna le même signal aux siens ; et, en moins de cinq minutes, tout semblait indiquer une parfaite intelligence entre deux vaisseaux qui se seraient bientôt livré un combat à mort, si la véritable nature de l’un avait été connue de l’autre. Ce fut dans cette position critique, et lorsque l’invitation de se rendre à bord résonnait encore aux oreilles de Wilder, que le Corsaire appela son lieutenant auprès de lui.

— Vous entendez que je suis prié d’aller rendre visite à celui qui est plus ancien que moi au service de sa majesté, dit-il avec un sourire d’ironie et de dédain : vous plairait il d’être de la partie ?

Le tressaillement avec lequel Wilder reçut cette proposition hardie était trop naturel pour provenir d’une émotion simulée.

— Vous n’êtes pas assez fou pour courir ce risque ! s’écria-t-il lorsqu’il eut retrouvé la voix.

— Si vous craignez pour vous, je puis aller seul.

— Si je crains, répéta le jeune homme, et un feu nouveau anima encore ses yeux déjà étincelans. Ce n’est pas la crainte, capitaine Heidegger, c’est la prudence qui me dit de rester caché. Ma présence trahirait le secret de ce vaisseau. Vous oubliez que je suis connu de tous ceux qui sont à bord de ce croiseur.

— J’oubliais en effet cette partie de l’intrigue. Restez donc, tandis que je vais m’amuser aux dépens de la crédulité du capitaine de sa majesté.