Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/390

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vaisseau de sa majesté l’Antilope. Je n’ai pas besoin de vous parler de son mérite remarquable, le grade auquel il a été élevé à son âge rend un témoignage suffisant sur ce point essentiel.

Il y avait dans les yeux de l’aumônier un air de surprise et même de stupeur lorsque son premier regard tomba sur ce prétendu rejeton d’une souche noble ; mais l’expression en était moins frappante que ne l’avait été celle de l’individu qu’il avait devant lui, et elle dura encore moins long-temps. Il salua de nouveau, d’un air plein de douceur, et avec ce profond respect qu’une longue habitude fait naître même dans les esprits les mieux organisés quand on se trouve en contact avec la supériorité factice d’un rang héréditaire ; mais il ne parut pas croire que l’occasion exigeât qu’il dît autre chose que la formule de compliment ordinaire. Le Corsaire se tourna d’un air calme vers son vieux compagnon, et continua l’entretien.

— Capitaine Bignall, dit-il en reprenant ces manières gracieuses qui lui convenaient si bien, mon devoir est de suivre vos mouvemens dans cette entrevue. Je vais maintenant retourner sur mon vaisseau, et si, comme je commence à le soupçonner, nous sommes sur ces mers pour la même mission, nous pouvons concerter à loisir un système de coopération, qui, étant convenablement mûri par votre expérience, pourra servir à nous conduire au but commun que nous avons en vue.

Considérablement adouci par cette concession faite à son âge et à son rang, le commandant du Dard pressa son hôte d’offres hospitalières, et termina ses civilités en l’invitant à venir partager un repas de marin un peu plus tard dans la journée. Le soi-disant Howard refusa poliment toutes les autres offres, mais il accepta la dernière invitation, et s’en fit un prétexte de plus pour retourner sur son vaisseau, afin de choisir ceux de ses officiers qu’il jugerait les plus dignes d’être admis au banquet qui lui était promis. Le vieux Bignall, officier d’un mérite réel, malgré son caractère brusque et bourru, avait servi trop long-temps dans l’indigence et presque dans l’obscurité pour ne pas éprouver quelques-uns des désirs de la nature humaine pour un avancement qu’il avait bien mérité sans jamais l’obtenir. Au milieu de toute son honnêteté naturelle et franche, il ne perdait donc pas de vue les moyens d’arriver à ce but important. Aussi n’est-il pas surprenant que la fin de son entrevue avec le fils supposé d’un champion tout puissant à la cour fût plus amicale que le commencement.