Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/391

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Le Corsaire fut reconduit de la cabine jusque sur le tillac avec force salutations, et avec toute l’apparence du moins d’une bienveillance renaissante. En arrivant sur le pont, ses yeux toujours en mouvement jetèrent à la hâte un regard méfiant et peut-être inquiet sur toutes les figures groupées autour du passe-avant, par lequel il allait quitter le vaisseau ; mais leur expression redevint sur-le-champ calme et même un peu hautaine afin de bien remplir son rôle dans la comédie qu’il lui plaisait de jouer en ce moment. Serrant alors avec cordialité la main du vieux et digne marin qui était complètement sa dupe, il toucha son chapeau pour saluer les officiers subalternes, avec un air moitié de hauteur, moitié de condescendance.

Il allait descendre dans la chaloupe, quand on vit l’aumônier dire à la hâte quelques mots à l’oreille de son capitaine. Celui-ci s’empressa aussitôt de rappeler son hôte qui partait, et le pria, avec une gravité inquiétante, de lui accorder encore un instant d’attention particulière. Se laissant conduire à part, le Corsaire resta debout entre l’aumônier et le capitaine, attendant leur bon plaisir avec un sang-froid qui, dans les circonstances où il se trouvait, faisait honneur à la fermeté de ses nerfs.

— Capitaine Howard, demanda Bignall, avez-vous un ecclésiastique sur votre bord ?

— J’en ai deux, monsieur.

— Deux ! il est rare de trouver un prêtre surnuméraire sur un bâtiment de guerre. Mais je suppose qu’avec son crédit à la cour il pourrait avoir un évêque s’il le voulait, murmura-t-il entre ses dents. Vous êtes heureux en cela, jeune homme, puisque je dois à l’inclination plutôt qu’à l’usage la société de mon digne ami que voici. Cependant il désire particulièrement que je comprenne dans mon invitation votre révérend, ou pour mieux dire vos révérends aumôniers.

— Sur ma parole, vous aurez toute la théologie qui se trouve sur mon bord.

— Je crois n’avoir pas oublié de nommer particulièrement votre premier lieutenant.

— Oh ! mort ou vif, il sera bien certainement de la partie ! répondit le Corsaire avec une vivacité et une véhémence qui firent tressaillir de surprise ses deux auditeurs. Ce n’est point là l’arche qu’il vous faudrait pour vous reposer ; mais, tel qu’il est, il est