Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/427

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flammes qu’on voyait briller à travers des nuages épais de fumée. On ne pouvait distinguer que les mâts de chaque navire, et encore n’étaient-ils visibles que pendant quelques instans bien courts. Plusieurs minutes, qui ne semblaient aux combat tans qu’un instant indivisible, s’étaient ainsi passées, quand l’équipage du Dard s’aperçut que ce vaisseau n’obéissait plus à la manœuvre aussi promptement que les circonstances l’exigeaient. Cette nouvelle importante fut annoncée sur-le-champ par le maître à Wilder, et par celui-ci au capitaine. Une conférence rapide sur la cause de cet événement inattendu en fut le résultat immédiat et naturel.

— Voyez, dit Wilder, les voiles battent déjà contre les mâts, comme des haillons qui y seraient suspendus. Les explosions de l’artillerie ont abattu le vent.

— Écoutez ! s’écria Bignall, dont l’expérience était plus consommée, l’artillerie du ciel gronde encore plus haut que la nôtre ; la tempête que j’attendais est déjà arrivée. — Bâbord la barre, monsieur, et placez le vaisseau hors de la fumée. — Bâbord la barre sur-le-champ, monsieur ; bâbord la barre, vous dis-je.

Mais le mouvement ralenti du navire ne répondait pas à l’impatience de celui qui donnait cet ordre et de ceux qui l’exécutaient, et il ne se prêtait pas à la manœuvre avec la rapidité qu’exigeait le besoin du moment. Cependant, tandis que Bignall, les officiers que leur devoir retenait près de sa personne, et les voiliers étaient ainsi occupés, les marins qui étaient aux batteries continuaient leur feu meurtrier. Le bruit du canon se faisait entendre sans interruption et était presque étourdissant, quoiqu’il y eût des momens où la voix sinistre du tonnerre retentissait de manière à rendre toute méprise impossible. Les yeux ne pouvaient pourtant prêter aucun secours à l’oreille pour aider les marins à juger de ce qu’ils devaient faire. Les mâts, les voiles et le corps du bâtiment étaient également enveloppés de colonnes mouvantes de fumée qui couvraient le ciel, l’air, la mer et les deux navires, d’un manteau blanc semblable au plus épais brouillard. Ce n’était même que par instans qu’on apercevait, à travers quelque trouée, les individus occupés au service des batteries.

— Je n’ai jamais vu une fumée si épaisse s’accumuler sur le pont d’un navire, dit Bignall avec une inquiétude que toute sa prudence ne pouvait entièrement dissimuler. Tenez la barre à bâbord, monsieur ; maintenez-l’y bien. — De par le Ciel,