Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/431

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obscurcie par un nuage de sombres vapeurs, et ayant partout sous les yeux les preuves terribles et sanglantes du combat qui venait d’avoir lieu, l’équipage du croiseur anglais se montra fidèle à lui-même et à son ancienne réputation. Parmi le tumulte de la tempête, on entendait s’élever les voix de Bignall et de ses officiers, soit pour donner les ordres dont une longue expérience leur avait appris la nécessité, soit pour encourager les matelots à faire leur devoir. Mais heureusement la lutte des élémens fut de courte durée. Les ailes de l’ouragan l’emportèrent bien loin, laissant les vents alizés reprendre leur cours ordinaire, et comme l’influence de ces vents combattait l’impulsion donnée aux vagues par l’ouragan, la mer parut alors plutôt calme qu’agitée.

Mais tandis qu’un danger disparaissait aux yeux des marins du Dard, un autre, qui n’était guère moins à craindre, attirait forcément leur attention. Tout souvenir de la générosité du Corsaire, tout sentiment de reconnaissance s’était effacé de l’esprit de Wilder, entièrement absorbé par l’orgueil tout puissant de sa profession, et par cet amour de la gloire qui est inhérent à un guerrier, quand il vit la belle symétrie des mâts du Dauphin, que les boulets et la foudre semblaient avoir respectés, et l’ordre et le bon état de tous ses agrès, qui ne paraissaient avoir souffert aucun dérangement. On aurait dit que ce bâtiment était protégé par un charme, ou que quelque pouvoir surnaturel avait veillé à sa sûreté au milieu des fureurs d’un second ouragan. Mais des réflexions impartiales, et faites avec plus de sang-froid, le forcèrent à s’avouer à lui-même que la vigilance et les sages précautions de l’être extraordinaire qui semblait non-seulement gouverner les mouvemens de ce navire, mais en maîtriser la fortune, avaient eu leur influence pour amener ce résultat.

Il n’eut pourtant que peu de loisir pour réfléchir sur ces changemens, et sur les moyens de faire face à la supériorité de l’ennemi. Le vaisseau du Corsaire avait déjà déployé plusieurs grandes voiles, et comme le retour de la brise régulière lui donnait l’avantage du vent, son approche était rapide et inévitable.

— De par le Ciel monsieur Arche, tout le bonheur est pour les coquins aujourd’hui, dit le vétéran dès qu’il s’aperçut, aux manœuvres du Dauphin, que l’action allait probablement recommencer. Renvoyez nos gens à leurs batteries, monsieur, et qu’ils préparent leurs canons, car nous aurons probablement encore affaire à ces drôles.