Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/439

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contre-maître fit entendre par dérision, comme pour appeler l’équipage à la manœuvre, fut suivi de cris prolongés, et plus de vingt voix où se confondaient les accens de presque autant de peuples différens, de manière à former une affreuse discordance, répétèrent en même temps :

— À bas ! à bas ! tous les trois à la vergue !

Wilder jeta un dernier regard sur le Corsaire ; mais il ne put rencontrer ses yeux, que celui-ci avait détournés à dessein. Alors, la tête brûlante, il se sentit rudement transporté du gaillard d’arrière au milieu et dans la partie moins privilégiée du vaisseau. La violence du passage, la disposition des cordes passées précipitamment dans les poulies, et tous les apprêts terribles d’une exécution navale, ne parurent que l’affaire d’un moment à celui qui touchait de si près au néant.

— Un pavillon jaune pour signal du châtiment ! s’écria le capitaine vindicatif du gaillard d’avant ; que ce brave monsieur parte pour sa dernière expédition sous l’enseigne qu’il mérite !

— Un pavillon jaune ! un pavillon jaune ! répétèrent une vingtaine de frénétiques. Descendons l’étendard du Corsaire, et arborons les couleurs du grand prevôt ! Un pavillon jaune ! un pavillon jaune !

Les éclats de rire grossiers, les railleries insultantes, avec lesquels cette burlesque proposition fut reçue, remuèrent la bile de Fid, qui jusque-là s’était soumis en silence au traitement qu’on lui faisait éprouver, par la raison qu’il pensait que c’était à son maître qu’il devait laisser le soin de dire ce qu’il jugerait convenable.

— Arrêtez, vils scélérats ! s’écria-t-il vivement, la prudence et la modération cédant à l’influence d’une vertueuse indignation ; — coupe jarrets infâmes, gauches coquins que vous êtes ! Oui, vous êtes des coquins, et je vous le prouverai à votre barbe, puisque vous êtes à la solde du diable ; et vous êtes de gauches coquins encore, comme on peut le voir à la manière dont vous avez tourné cette corde autour de mon cou. Ce nœud coulera bien, n’est-ce pas ? Allez, allez, vous saurez tous un jour comment on pend décemment un homme ; oui, oui, vous le saurez, scélérats ! Je vous réponds que vous l’apprendrez avec le temps.

— Enlevons-le, s’écria une voix, puis deux, puis trois successivement ; — dépêchons, et qu’il prenne le chemin du Ciel !