Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/443

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dit le prêtre en prenant la main raboteuse du nègre entre les siennes ; le terme de son humiliation et de ses souffrances approche ; il sera bientôt hors de l’atteinte de l’injustice des hommes. Ami, quel est le nom de votre compagnon ?

— Il importe peu que vous héliez de telle ou telle manière un homme qui se meurt, répondit Richard en secouant tristement la tête. Il a été couché sur les registres du vaisseau sous le nom de Scipion l’Africain, venant, comme vous savez, de la côte de Guinée. Appelez-le donc Scipion si vous voulez, et il vous comprendra bien.

— A-t-il reçu le baptême ? Est-il chrétien ?

— S’il ne l’est point, je ne sais pas qui diable le serait ! reprit Richard avec une aigreur qui pouvait paraître un peu hors de saison. L’homme qui sert son pays, qui est bon camarade, et qui n’a pas d’infirmité naturelle, je l’appelle un saint, en tant qu’il s’agit simplement de religion. Eh ! Guinée, mon brave, donne une poignée de main à l’aumônier, si tu t’appelles chrétien. Un cabestan ne roule pas un câble plus promptement que le poignet de ce nègre ne l’aurait fait il y a seulement une heure ; et à présent vous voyez à quoi un géant peut être réduit !

— Son dernier moment approche en effet. Offrirai-je une prière pour le salut de l’âme qui va s’envoler ?

— Je n’en sais rien, je n’en sais rien, répondit Fid, avalant ses paroles, et prononçant un hem ! sonore et vigoureux, comme aux plus beaux jours de sa jeunesse. Lorsqu’il reste si peu de temps à un pauvre diable pour dire ce qu’il a sur son cœur, le mieux est peut-être de le laisser parler, s’il peut en venir à bout. Il peut lui venir à l’esprit quelque chose qu’il serait bien aise d’envoyer à ses amis d’Afrique ; auquel cas il nous faudrait chercher un messager convenable. Ah ! qu’y a-t-il, mon brave ? Vous voyez qu’il cherche déjà à débrouiller quelques-unes de ses idées.

— Maître Fid, lui prendre le collier, dit le nègre en s’efforçant d’articuler.

— Oui, oui, dit Richard en s’éclaircissant de nouveau la gorge, et en regardant fièrement à droite et à gauche, comme s’il cherchait quelque objet sur lequel il pût exercer sa vengeance. Oui, oui, Guinée, mettez-vous l’esprit en repos sur ce point, et, pour ce qui est de cela, sur tous les autres. Vous aurez un tombeau ni plus ni moins profond que la mer, et un enterrement chrétien, mon garçon, si ce ministre que voici veut faire sa besogne. Tous