Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/456

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dont la démarche était plus chancelante, mais dont les traits calmes et doux annonçaient un soir paisible après un long jour d’orage. Tous les trois saluèrent poliment la dame étrangère, en ayant la délicatesse de ne pas se presser de lui demander le motif de sa visite. Cette réserve était nécessaire, car à l’agitation extraordinaire qu’elle éprouvait, et qui la faisait trembler de tous ses membres, il était évident qu’elle avait besoin d’un peu de temps pour se remettre et pour rassembler ses pensées.

Elle pleura long-temps et avec amertume, comme si elle eût été seule, et elle n’essaya de parler que lorsqu’un plus long silence eût pu paraître équivoque. Alors essuyant ses larmes, et levant un front qui portait l’empreinte de la souffrance aussi bien que de la douleur, elle parla pour la première fois à ses hôtes interdits.

— Cette visite doit vous paraître bien étrange, dit-elle ; mais quelqu’un dont la volonté a toujours fait ma loi, a voulu être amené ici.

— Et pourquoi ? demanda le capitaine avec douceur, remarquant que la voix lui manquait déjà.

— Pour mourir !

À cette réponse prononcée d’une voix défaillante, tous ses auditeurs tressaillirent. Le capitaine se leva, et s’approchant de la litière, il en tira doucement le rideau, montrant à tous ceux qui étaient dans la salle les traits de la personne qui y était renfermée. Un rayon d’intelligence parut animer le regard qui répondit au sien, quoique la pâleur de la mort ne fût que trop visiblement empreinte sur la figure du blessé. Son œil seul semblait encore tenir à terre ; car tandis que tous ses organes semblaient déjà froids ét glacés, son regard conservait encore quelque force, quelque sentiment et même une sorte de feu.

— Est-il quelque chose que nous puissions faire pour vous procurer quelque soulagement ? demanda le capitaine de Lacey après une pause longue et solennelle, pendant laquelle tous ceux qui entouraient la litière contemplèrent tristement le lugubre spectacle du flambeau de la vie qui s’éteint.

Le sourire du mourant était effrayant, quoiqu’il s’y mêlât une expression singulière de tendresse et de douleur. Il ne répondit pas, mais ses yeux parcoururent successivement toutes les figures, jusqu’à ce qu’ils restassent fixes, comme par une espèce de charme, sur la plus âgée des deux dames. Ils y rencontrèrent un regard